Mois: mars 2023

Une certaine tendance du shonen

J’ai terminé Jujutsu Kaisen s1. Et j’aime bien. Mais ça m’a fait penser que ces dernières années, il y a aussi d’autres anime que j’aime bien et qui sont similaires. Demon Slayer et Mob Psycho 100. Ces trois anime qui sont tous de gros succès, ont remis au centre de la japanimation la figure de « l’exorciste ». C’est toujours dans la structure ou les schéma du shonen, mais avec la particularité d’avoir incorporé des éléments qui sont historiquement liés aux publics féminins (les histoires de fantômes, de démons et de monstres étaient réservées aux revues pour les filles, dès années 60 aux années 80. D’ailleurs je conseille le dernier numéro de ATOM sur le manga d’horreur qui expose, explique et analyse très bien tout ça.). Il y a 40 ans, les démons et les fantômes, c’était pour « les filles », et d’ailleurs les grandes heures du Magical Girl dans les années 80-2000 témoignent très bien de tout ça. Aujourd’hui ce sont les corps virils des shonen qui chassent des démons. On passe de la chamane/sorcière à l’exorciste. Mais dans les conventions du shonen, cela signifie donc que l’ennemi devient littéralement le « mal » au sens le plus métaphysique et spirituel du terme.
La monomanie et l’expertise des héros de shonen, font que parfois on s’amuse à dire que le cinéma de Michael Mann est un cinéma qui met en scène des héros de shonen. Le truc c’est que si Michael Mann met en scène des solitaires, des experts, des hommes en dehors de la société, c’est parce qu’il s’inscrit dans une tradition anti-moderne (je conseille, si elle est toujours disponible, un cours de Thoret sur Mann et la désobéissance civile sur youtube/forum des images…). Et si on attribue souvent les caractéristiques des personnages nippons aux personnages US (au moins pour rigoler), le mouvement peut aussi aller dans l’autre sens. Car en réalité, le retour de la figure de l’exorciste et du combat contre le mal, nous indique que les trois œuvres les plus populaires du shonen actuels, sont des œuvres anti-modernes.
S’il existe une dimension conservatrice dans le geste/l’esthétique anti-moderne, ce n’est pas non plus un geste réactionnaire. Chez Mann par exemple, la vitesse, et le mouvement constant comme une fuite en avant, l’exprime très bien, si les corps sont contre le présent ou du moins ce qu’ils perçoivent du futur, ils sont forcés d’être tout le temps en décalage ou en avance sur le monde qu’ils tentent de fuir pour ne pas se faire absorber ( bref, écoutez Thoret c’est mieux). Et c’est également le cas dans Demon Slayer, Mob Psycho et Jujutsu Kaisen. Les trois héros sont totalement en décalage avec le monde, de manière passive et contemplative dans Mob Psycho à le rejeter par réflexe comme dans Jujutsu Kaisen. Mais là ou les personnages de Mann sont des experts qui sont en rupture avec le passé et le présent. Les héros de ces œuvres s’inscrivent dans des traditions, c’est la grande différence dans leur anti-modernité. Celles des exorcistes et des croyances nippones qui en réalité vont bien plus loin dans le passé que la culture japonaise.
Ils reçoivent tous une initiation/éducation (ce qui est une convention du shonen mais qui devient beaucoup plus importante ici), une vision du monde ou du moins d’apprendre à voir la réalité pour ce qu’elle est réellement. Ce qui leur donne la possibilité de voir « le mal », de le combattre et de « l’exorciser ». Ce qui est fascinant, c’est de voir que les idéaux des héros vont petit à petit fusionner aux idéaux de la tradition qu’ils portent sans qu’on sache jamais si c’est eux qui « changent » le truc ou s’ils sont changés par l’héritage. Bref, tout ça pour dire que le mal, c’est la modernité elle-même, ou du moins les symptômes de cette dernière.
Ce qui est « nouveau », c’est que ces trois œuvres le font de manière explicite car en réalité, dans Dragon Ball Z, Sangoku et ses amis se battent aussi contre une idée de la modernité, deux fois contre des aliens impérialistes (arc freezer et buu), et une fois contre des cyborgs voire leur propre futur (arc Cell). Dans Demon Slayer ça devient évident quand l’œuvre se déroule à la fin du XIXème siècle, début XXème et que le héros est littéralement le dernier survivant d’une famille de paysan qui combat des démons qui fusionnent avec des machines ou qui habitent naturellement dans les grandes villes. Ce qui est une évocation assez grossière de la fin de l’ère Meiji. Oui les samurai disparaissent, les croyances et les rites des paysans laissent la place à l’industrie et aux « vampires » qui se nourrissent des petites gens pour devenir plus puissant. D’ailleurs l’esthétique paradoxale de la série exprime bien ce qui est au coeur de l’oeuvre, les pouvoirs des chasseurs de démons sont en CGI (tout comme les machines), alors que les corps sont dessinés. Ils utilisent les technologies les plus récentes pour figurer la puissance « traditionnelle », comme si l’émerveillement, « la vraie puissance » était dans la figuration d’un imaginaire immémorial alors que la figuration technique était vouée à être vaine (un truc comme ça, un peu comme quand Spielberg fait Jurrasic Park, le choc ne vient pas du fait que les effets spéciaux aient atteint ce niveau de détail, le choc vient du fait qu’enfin on peut voir des dinosaures, des trucs qui ont existé, comme ils ont existé. Tsui Hark parle aussi de ça dans ses films des années 2010, le potentiel des effets n’est pas dans la prouesse technique ou technologique mais dans l’objet qu’elle permet de faire exister, le reste, c’est de la croyance et ça dépend du spectateur). En gros l’esthétique de Demon Slayer est explicite dans ses effets et nous oblige à nous mettre dans la situation des personnages durant leur affrontement, c’est à dire, une crise de la croyance ou quelque chose comme ça. Car c’est ça le rôle même des exorcistes, de pouvoir par leur foi et leur savoir, vaincre les illusions et les chimères du mal.


Dans les deux autres œuvres, Jujutsu Kaisen et Mob Psycho 100 qui se déroulent à notre époque, il y a la dimension de « la légende urbaine » qui vient s’ajouter. Contrairement à Demon Slayer qui dépeint une transition, et donc les dernières fulgurances d’un monde qui est en train de s’éteindre, ou de se transformer, les deux autres font état de cette « transmutation ». Aujourd’hui un exorciste, c’est un jeune homme qui arrive juste à rester stoïque ce qui lui permet de comprendre et de voir, au lieu de subir. Dans Mob Psycho 100, le mal est toujours une version extrême de fait divers. Une secte, du bullying, et d’autres sujets plus ou moins tabou qui forment des démons que le jeune homme va exorciser dans des combats psychédéliques qui nous rappellent qu’en réalité, tout ça ne se joue pas à un niveau physique. Surtout quand les grands affrontements sont gagnés dans des moments d’abstractions, de réminiscences et parfois de dialogues avec les entités. Là ou Demon Slayer se bat frontalement contre la modernité comme un mal matériel, Mob Psycho 100 tente de trouver une harmonie entre les contingences de la vie (on parle beaucoup d’argent) et les évènements spirituelles du quotidien. L’exorciste devient une sorte de médecin de la société.


Et puis il y a Jujutsu Kaisen, ce qui est étonnant c’est que la série est tellement explicite qu’elle electrise par ses excès. Le héros est moins stoique que dans la précédente car il n’a pas de grands buts comme les autres héros de shonen, il veut juste « bien mourir ». Il affronte donc le mal sans se soucier de la modernité, car Jujutsu Kaisen se développe en se fichant totalement de l’époque. Le combat qui se joue aujourd’hui et un combat qui s’est joué il y a des milliers d’années de la meme manière. Sauf que maintenant ils peuvent s’appeler avec des portables entre deux exorcismes. Car Jujutsu Kaisen pousse l’idée à l’extreme opposée de Demon Slayer; tout se déroule comme ça c’est toujours déroulé car il n’y a pas vraiment d’histoire seulement une sorte de bal cosmique qui n’a de cesse de se rejouer. Les malédictions/démons sont les matérialisations des peurs quand elles sont partagés par une masse de personnes (c’est aussi la définition des légendes urbaines depuis les années 80 au Japon), il s’agit juste de les détruire, des les exorciser pour équilibrer la réalité sinon c’est la folie. Mais si Jujutsu Kaisen se fiche du monde contemporain, il se moque aussi du monde traditionnel qui est montré comme archaique et obsolète. Il n’y a pas d’harmonie ou de transformation possible, il faut juste tout changer ou tout détruire. Perdre ou gagner. L’exorciste devient l’incarnation tragique de la fatalité de l’existence.
En réinvinstissant une figure culturelle historique et symbolique, l’animation et le manga contemporain, expriment que quand meme, on est bien dans la merde, tellement qu’il faut ramener des chasseurs de démons et réinjecter de la spiritualité dans notre vision du monde parce qu’on comprend plus rien. C’est rigolo, c’est cool à regarder mais c’est moins cool à comprendre.

All of Us are Dead

All of Us Are Dead, c’est pas mal. Contrairement à la manière dont est vendu le truc, c’est pas un drama de zombies qui se déroule au lycée, c’est un drama de lycée ou il se trouve qu’il y a des zombies. Ce qui fait des situations étranges ou les lieux communs des drama de lycée reviennent toujours comme des enjeux majeurs, « qui aime qui ? », « qui a bizuté qui ? pourquoi ? », « qui est ami avec qui ? », « qui a des bonnes notes ? », « qui veut aller à l’université ? ». Puisque mine de rien, le tableau que dresse le drama n’est pas celui d’une apocalypse mais de montrer lentement mais surement comment s’est effectuée la fracture sociale et générationnelle en Corée du Sud. Celle qui a rythmé les années 2010, et celle qui arrive probablement de manière plus virulente après la crise. (car oui la série fait aussi ce truc très présomptueux de se dérouler après le COVID lol. Quand l’épidémie de zombies frappe la ville de Hyosan, un mec des secours qu’on met en quarantaine dit « le temps d’incubation du covid-19, c’était blablabla »…Donc dans les drama on parle deja du covid au passé.)

Comme d’hab les coréens qui ont de grands réflexes narratifs foucaldien (faudra qu’un jour quelqu’un se penche sur le pourquoi du comment la majorité des œuvres ciné et sérielles coréennes sont soient des trucs foucaldiens/bourdieusiens, soient des trucs marxistes, soient des machins neolib de merde. Il y a rarement de milieu lol) font partir l’épidémie de zombies du lycée puis du commissariat et de l’hôpital ce qui entraine tout un jeu de domino symbolique sur ce qu’il faut sauver, ou pas. On pourrait croire que la série tente un commentaire sur la pandémie, mais non, c’est surtout inspiré de l’incident du Sewol et des répercussions de ce dernier (ça a commencé avec des lycéens qui meurent en 2014, ça s’est « terminé » avec la destitution et la condamnation de Park Geun-Hye en 2017). L’une des séquences phares qui indiquent tout ça est dans l’épisode 06 ou 07, ou les élèves survivants se réunissent dans la salle de musique, trouvent une caméra et filment des messages pour les gens qui tomberaient dessus. Il y en a qu’ils font des blagues, il y en a qui chante, d’autres flippent. Alors qu’ils sont entourés de zombies. C’est exactement les images qui nous sont parvenus des lycéens qui étaient dans le Sewol, ou dans leur dernier vidéo sur les réseaux alors que le bateau coulait, et qu’ils pensaient toujours qu’ils allaient s’en sortir, il y en a qui faisaient des blagues, d’autres prévenaient leur parent et d’autres chantaient. Dans la meme séquence il y a un autre truc qui pour le coup est malin, c’est qu’un personnage qui est infecté se regarde dans l’écran de la caméra, et le retour est sali avec du sang. Son visage dans l’image est taché comme celui des zombies. Bref, son image lui révèle ce qu’elle est vraiment. Puis loin dans la série, un personnage ce suicide et son sang recouvre la carte de la ville dont il a précipité la perte. La série déploie tout un dispositif sur les taches, les éclaboussures et donc sur l’infection, pour rendre explicite les ramifications du système qui régit le lycée, l’armée et toute la société coréenne.

Et ça tisse tout un truc autour de ça, et bien sur un truc social, qui est le propre des drama de lycée. On aime bien rejouer dans les drama de lycée, toutes les tensions sociales et les rendre explicite, la série rejoue ça jusqu’au bout en brouillant les pistes sur « les salauds de riche » (que tout le monde aime bien voir dans les oeuvres coréennes). Et le truc réussit a faire de la frustration un élément fantastique (en gros les personnages qui souffraient en tant que bourreau et victime se retrouvent immortels, et doivent rejouer ad vitam æternam leur role de bully/victimes tant qu’ils sont dans l’enceinte du lycée…). Il y a aussi le truc plus évident que le lycée coréen pour satisfaire le marché, produit à son sommet des psychopathes et les marginaux qui rejettent le système adoptent les meme réflexes de prédation en opposition. Au milieu, il y a les gens qui galèrent, les zombies, qui sont des zombies absolument tristes, car ce sont les parents, les amis, voire les amoureux. Et j’aime l’idée simple, un peu jolie, et doucement transgressive que les parents doivent sauver leur enfant du lycée (ce qui renvoie au film Suneung de Shin Su-won qui montre qu’en 10 ans, absolument rien n’a changé…). Il y a aussi la multiplicité des points de vue, qui change des oeuvres de Yeon Sang-ho par exemple, ou on suit souvent un ou deux personnages dans les même espaces (d’aileurs les personnages sont eux meme conscients de ça, puisqu’ils parlent de Train to Busan dans l’épisode 02, et survivent grace aux techniques du film… Il y a aussi du Bong joon-ho avec les archers…). La, il y a tellement de personnages que justement on a accès à des tas de niveaux d’expérience de la catastrophe (un mec de commando, un youtubeur, un policier, le père de l’héroine…les vidéos du créateur du virus…), ce qui nous donne de la matière pour ressentir « ce qui ne va pas ». J’aime aussi que la série rejoue des tas de poncifs de drama mais avec des zombies, les lieux restent les meme, les personnages sont les meme, mais quand ils jouent leur qui proquo amoureux dans la salle de science ou d’art, beh elle est entourée de zombies. Ce qui n’ajoute rien au genre en soi, mais donne une autre vision des drama de lycée « normaux ». Car d’habitude quand on suit les drama au lycée, il est vrai qu’à part les deux ou trois personnages actifs dans l’histoire d’amour ou d’amitié, le reste de la classe semble etre des zombies.

Le dernier truc, c’est la bataille générationnelle qui se joue tranquillement sur fond d’écologie, car les lycéens n’ont plus de lieu ou « habiter » (aussi bien dans le lycée qu’en dehors, puisqu’ils croisent leurs parents morts, avec leur vêtement de travail, qui ont tenté de les libérer du lycée…). Et surtout ils n’ont plus de nourriture et d’eau. Ils montent sur le toit du lycée, ils s’élèvent littéralement et figurativement, ils sortent du cadre. Puisque quand ils sont dans les classes, on les cadre souvent dans les portes, les fenetres etc…Ils ont toujours l’air emprisonné meme quand la menace des zombies est moins importante. Comme les amoureux qui sont cadrés dans les marges de la fenetre de l’épisode 07, et dont l’histoire d’amour devient impossible une fois sortie de l’école. Quand ils montent sur le toit, ils se libèrent des cadres de l’école pour finalement découvrir ce qu’est « réellement » la société puisqu’ils ont enfin une vue d’ensemble (réel et métaphorique…). Puis en comprenant qu’il n’y aura pas de secours, l’un des personnages dit « on doit tout faire nous même de toute façon, on peut plus faire confiance aux adultes ». Et l’héroine de la série qui semble parler aux spectateurs dit « pourquoi vous nous avez abandonné ? ». Et je rappelle que le webtoon dont le drama est l’adaptation s’appelle « Now at Our School ».

Journal de Elden Ring – I

La Bagarre.

En vrai c’est complétement con car j’ai meme pas le jeu, et toutes mes digressions, dérives, extrapolations viennent des parties de Elias Campos désormais, Elias Le Samourai Mystique (et de mes errances ou je regarde des gens qui errent dans le jeu sur youtube…). Donc oui ça joue sur PS5, vos bugs sur PC, on s’en fout. D’ailleurs arrêtez de jouer sur PC un peu bande de fous. Bref. Dans cette courte introduction, il faut rappeler que le monsieur qui a écrit Games of Thrones, a participé au jeu. Si bien sur le jeu est dans la lignée des autres créations de FromSoftware et de msieur Miyazaki (de toute façon si vous croyez qu’on parle du cinéaste je sais meme pas pourquoi vous lisez cette merde), je crois qu’il pousse à l’extreme des mécaniques des jeux précédents. Tout ça révèle que le grand mécanisme à l’oeuvre est bien de suivre la logique, ou du moins de faire vivre, la quête chevaleresque ultime.

Dans Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, Perceval est soumis à différentes épreuves jusqu’à celle du Graal, qu’il échoue. Pourquoi il échoue ? parce qu’il doit apprendre et surtout parce qu’il doute. Et chacun sait que le doute, c’est la dualité, et la dualité c’est le diable (beh oui on est des trucs de chevaliers donc des trucs chrétiens hardcore). La logique de l’apprentissage était deja omniprésente dans les Souls, on se bat, on meurt, on ressaye. Exactement comme dans les romans de chevalerie, qui sont également des romans d’apprentissage. La ou Elden Ring va un peu plus loin, c’est que qu’il plonge le joueur dans un rapport chevalresque au monde ou les intuitions sont presque toujours trompeuses puisque l’on doit apprendre. Mais surtout on ne doit plus douter. Durant les combats de boss, il faut d’abord apprendre les pattern puis se battre en « perçant le voile » (perceval) de ce que nous semblait etre « la réalité ». Par exemple, dans la plus part des coups direct ou plongeant que font les boss, faire une roulade avant est souvent le moyen de s’en sortir, ce qui va à l’encontre de toute logique. Il faut foncer sur l’ennemi pour ne pas prendre de dommage. Comme dans les souls, sauf que dans la logique plus « libre » de Elden Ring, de respecter des conventions qui semblent absurdes est très compliqué (c’est pour ça que meme lorsqu’on connait les pattern, le défi n’est plus de s’adapter à ce que l’ennemi fait, mais de se battre contre ses propres réflexes pour appliquer ce que l’on a appris) pourtant c’est le coeur de la quete des chevaliers, et c’est le coeur de la mécanique du gameplay des combats. D’apprendre pour s’affranchir du doute à fin de vaincre la mort elle-même.

Tout ça est bien construit, puisque le jeu n’a de cesse de remettre les certitudes du joueur en question (en passant d’une zone à l’autre) et donc l’une des clés du jeu, c’est d’etre « un », d’etre assez confiant pour l’incarner dans son avatar. Et c’est l’un des moyens assez intéréssants de faire vivre la quete à un niveau physique voire psychique. Par exemple, si vous décidez de jouer au corps à corps, vous devez sans cesse foncer sur l’ennemi plus que de raison, à chaque fois que l’on tente de changer de « style » en milieu de combat, on se fait punir. Perceval rate le Graal car il ne sait pas le reconnaitre et n’ose pas se confronter à sa propre ignorance. Bref. Comme si Chrétien de Troyes ou les chansons de geste fusionnaient avec Un livre dont vous etes le héros et le mahjong. Tout ça c’est bien jolie mais pourquoi le monsieur de GoT et les gens de FromSoftware chercheraient à vous « unir » dans l’action comme dans une sorte de mouvement trinitaire par cette mécanique de combat frustrante et archaïque ?

La suite au prochain journal de Elden Ring lol (si d’ici la Elias a pas terminé le jeu et si je me suis pas lassé de ce bordel…)

« Et le Chevalier se lança tout droit
Sans tarder vers la mêlée;
Il rencontre s’avançant sur lui un chevalier,
Et il engage la joute, en lui assénant dans l’il
Un coup tellement fort qu’il l’abat mort par terre.
Et le valet descend de son cheval;
Il prend le destrier du chevalier vaincu
Et l’armure qu’il portait,
Et il s’en revêt avec une adresse parfaite.
Après s’être armé, sans plus tarder,
Il remonte en selle, en saisissant le bouclier et la lance
Dont la hampe était grosse et raide et bien peinte;
Il ceignit à son côté l’épée
Au tranchant clair et luisant.
Il se jeta dans le combat
Sur les pas de son frère et de son seigneur.
Celui-ci s’est bien tenu
Dans la mêlée
Où il rompt et fend et brise
Écus et heaumes et hauberts.
Ni bois ni fer ne peut protéger
Ceux qu’il frappe; tous finissent en fort mauvais état
Ou volent morts aux pieds de leurs chevaux.
À lui seul, il réussissait
À les abattre,
Et ceux qui l’accompagnaient,
Eux aussi, faisaient valoir leur prouesse. »


– Lancelot ou le chevalier de la charrette

Dr.Strange

Après une discussion avec le grand Victor Lopez. Je (re)visionne Dr.Strange de Sam Raimi (bien sur je ne suis pas fou, je le télécharge bien salement, car on veut voir du Sam Raimi ici mais pas à n’importe quel prix ! Et j’en profite pour dire, allez voir La Chance sourit à Madame Nikuko, Ventura ou Les Travaux et les jours. Faut arrêter de déconner des fois ! Du coup reprenons la déconnade…) de manière plus analytique. Surtout que depuis 2 ou 3 jours, il y a une scène qui tourne sur twitter ou les petits biberonnés à Marvel se moque de Raimi car soi-disant il fait des trucs qui veulent rien dire ou des trucs ringards. Dans un sens, ils ont pas tort.
Depuis quelques années genre 2017, il y a ce truc bizarre dans les grosses franchises US hollywoodiennes ou un cinéaste qui se retrouve dans la machine tente de faire « son film » et le film des financiers/algorithmes en meme temps. L’exemple qui m’avait le plus choqué, c’était Jurassic World 2 de Bayona. C’était logique qu’un mec espagnol se revendiquant autant de Spielberg que de Del Toro qui l’a produit se retrouve dans cette merde, pourtant il avait ce truc du gothique européen espagnol des années 2000. Et donc dans le film final, il y a 30min de merdes conventionnelles, 1h de conneries des algorithmes au début et 1h de Bayona. J’ai donc revu le film deux fois au ciné à l’époque à cause de cette heure de Bayona qui cachait les traces d’un bon film, un film de monstre gothique. Et le peu qu’il en reste est assez fort pour m’avoir fait revenir au cinéma (et aussi parce que j’invitais une meuf la deuxième fois mais bon, en vrai j’étais la pour le film lol) car le mec, pas manchot non plus, liait tout le bordel du film en utilisant les formes du cinéma gothique pour exprimer l’angoisse d’une petite fille qui doit accepter sa monstruosité, elle est un clone, un produit de la science autant que le dinosaure qui la poursuit tel un monstre de Frankenstein.

Tout ça pour dire que Dr.Strange de Raimi, a exactement la meme maladie. Il y a la première heure qui est un truc Marvel totalement débile ou tout est sur des rails. Et puis il y a le moment, en glissements progressifs (du plaisir ?), ou une sorte de film gothique et psychédélique se dessine dans la dernière heure, jusqu’au dernier plan. Parfois ces moments permettent à Raimi de faire quelques trucs mais ce qui m’intéresse c’est pas de repérer des morceaux de Evil Dead ou Drag Me To Hell ici ou là, c’est qu’est-ce qu’il en fait aujourd’hui et surtout ou il va avec tout ça ? Et donc pour discuter de ça, il faut revenir à ces trucs « ringards ». En réalité, le film se scinde clairement en deux par un dispositif simple et explicite des films psychédéliques ou gothiques, les personnages absorbent une substance qui modifie leur perception. Raimi fait cette scène qui évoque tout un imaginaire psyché (puisque c’est un code du genre, comme dans les films en 3D quand les personnages mettent leur lunette, beh t’es censé mettre tes lunettes aussi…Quand les personnages « boivent » le truc, t’es censé faire pareil…C’est pas innocent de la part de Raimi qui est quand même un monsieur qui cosplay Hitchcock pour faire la promo de ses films depuis 30 ans !) et après ce moment ou ils se font piéger par la boisson comme dans Climax, le film devient beaucoup plus sombre et violent (dans la mesure de ce que permet Marvel…), et commence à utiliser une grammaire d’un autre temps. Il y a par exemple les superpositions, les fondus enchainés, les plans sur les yeux (ou on rentre dans des yeux dilatés etc…). C’est le b.a-ba des films psyché mais aussi du cinéma gothique, les deux étant bien sur les deux faces d’une meme piece dans les années 60-70 (dans le même rapport, le slasher et le cinéma porno rejouent cette dualité dans les 80-90s), surtout quand c’est le meme monsieur qui fait Rebecca, Vertigo et Psychose. Puisque le gothique est le genre des « femmes hystériques » qui entendent ou voient des choses, le plus souvent les choses refoulés, comme Wanda. Et le Docteur lui est celui qui entend et voit des choses car il a appris à le faire, toussa toussa, bref il tripe, il « en sait trop ». Raimi retourne donc aux origines de Dr.Strange, en renouant avec le cinéma de la période de sa création. Il va meme jusqu’à citer du Gustave Doré ou les peintres surréalistes pour aller aux origines idéalisés. Il y a une scène en particulier qui exprime bien ce geste étrange, America et Rachel McAdams fuient dans les égouts quand soudain elles entendent une sorte de grognements puis elles voient une ombre qui ressemble à celle d’un monstre. Gros plan sur les yeux. Soudain, l’ombre prend forme humaine et c’est en réalité Strange. En gros Raimi va brasser toute l’imagerie psychédélique de ses origines gothiques et symboliques du XIXeme siecle jusqu’à ses propres films des années 80-2000. Ca aurait pu etre beau, mais au final c’est frustrant. Car tout ça on doit le déceler derrière la marvelerie qui est comme une sorte de parasite à toujours revenir avec ses blagues ou ses cameo. Dans le film, il y a des traces de ce qu’aurait pu etre le projet ultime d’un William Castle, d’un Roger Corman, d’un Wes Craven voire meme de cinéastes comme Kenneth Anger ou Maya Deren. C’est très chiant d’assister à des morceaux de tout ça. L’autre truc, c’est l’approche scientifique du MCU, qui bride également Raimi.

On nous parle de Multiverse comme un fait scientifique avec des lois blablabla c’est aussi très chiant. Et c’est un peu anti-Dr Strange. D’ailleurs Marvel a peur du potentiel du personnage car ils veulent à chaque fois une caution scientifique à tout ce qu’il fait « oh la la la la magie en réalité c’est seulement des maths ». Le film aurait deja eu une autre allure si on se passait de ce concept de Multiverse pour un truc qui aurait été beaucoup plus Strange. La psyché. J’ai pas vu les séries ou machins Marvel, mais de voyager dans la psyché était le vrai truc du film pas cette merde pseudo-scientifique, car en réalité les personnages ne sont motivés que par des intuitions. Ca me rappelle d’ailleurs quand je lisais les Strange de mon père ou les scans de publications US de l’époque quand j’étais plus jeune, j’aimais bien lire le courrier des lecteurs pour voir le délires des jeunes des années 60 ou 70. Beh à chaque fois ils posaient des questions super technique sur des avancés scientifiques bien précises, et à chaque fois les auteurs faisaient une pirouette en mode « oui bien sur la découverte de matière subatomique est un événement important blablabla blabla ça permet des aventures au-delà de ce que l’on voit comme pour [insérez le perso] ». Ce que je veux dire c’est que le jargon scientifique des auteurs de Marvel a toujours été une excuse pour soit justifier les délires esthétiques incroyables des dessinateurs, soit pour justifier les délires narratifs. En gros la science n’a jamais fait loi, au contraire, ils s’amusaient bien à faire des trucs impossibles en le justifiant par des théories ou des récentes découvertes. Depuis la période Kevin Feige, c’est le contraire. On a l’impression que les personnages sont piégés par la rhétorique des youtubeurs scientifiques et que l’alternative, c’est une sorte d’univers ultra militarisé de Ironman ou de délire rétrograde en mode « on va faire de la SF mais de la SF des années 80 ». En gros Marvel est coincé entre une imagerie de Top Gun (donc explicitement de propagande militaire) et une imagerie de séries télé des années 90 (donc des gens qui font des jeux de mots ou des blagues contextuelles en champ/contrechamp) depuis 15 ans. Et c’est là ou le film de Raimi vient un peu mettre du sel…

Dans le bordel qu’est le film, il y a une sorte de violence, car des gens meurent et se font tuer à l’écran. Wanda est recouverte de sang etc… Mais surtout Raimi vient mettre ce qu’on croit etre en premier du Lovecraft parce que Wanda est une sorte de divinité qui a un temple et tout, mais ça va beaucoup plus loin. Car coïncidence oblige, ou synchronicité pour certain, on a eu RRR cette année. Dans RRR, deux révolutionnaires qui ont vraiment existé deviennent des personnages mythologiques voire pour l’un des deux un Avatar, donc l’incarnation d’un dieu pour réduire en cendre l’armée britannique. Dans Dr.Strange si au début on croit qu’on est dans l’indicible et dans la psychanalyse ou les lieux communs du gothique, le glissement de Raimi nous emmène beaucoup plus loin dans le temps et dans les origines du personnages. Car l’affrontement que met en scène Raimi se révèle etre, plus le film avance, celui de Shiva (Dr.Strange) et Vishnou (Wanda). Et quand on connait un peu les attributs des deux, ça devient frappant. Dans l’un des univers, Wanda apparait en possédant une autre version d’elle meme, bref, c’est un avatar. Pour le combat final Dr.Strange a les quatre bras de Shiva en apprivoisant sa propre mort pour se réincarner (genre il a meme les cheveux longs ). Les deux se battent pour « l’équilibre de l’univers » dans un balai de « destruction/création ». A la fin Wanda/Vishnou assure l’équilibre en détruisant le livre maudit dans toutes les réalités (d’ailleurs elle passe la deuxième partie du film donc la partie psyché en position de méditation) etc etc…Et surtout le dernier plan du film, Dr.Strange a le troisième œil. La violence du film est en réalité une violence spirituelle ? (peut-etre celle qu’opère Marvel sur nos esprits…)

Donc Sam Raimi dans une sorte de geste de contrebandier bizarre n’a probablement pas donné son meilleur film, mais clairement son film le plus frustrant. Pour autant l’imagerie qu’il parvient à brasser de manière cohérente dans la seconde partie du film, fait qu’il a « réussi » le seul bon film Dr.Strange de l’histoire qui contient toutes les itérations du personnages, de l’ange déchu à William Wilson, en passant par l’érudit ésotérique des savoirs orientaux jusqu’au dieu.

Et puis c’est une putain d’idée que c’est une montre brisée qui ouvre la porte de « l’espace entre les espaces ». Dommage que ce soit dans ce film… Du coup, voila j’ai parlé d’un Marvel c’est très grave, on m’y reprendra plus !

Sinon en passant pour les fans de The Boys, l’opération de la CIA au Nicaragua dans les années 80 est réelle.
Et je crois que l’évènement traumatique de MM dans sa jeunesse est en référence au bombardement de MOVE en 85. Bref, bienvenue dans la réalité les gars… C’est beau vous découvrez enfin l’Histoire des USA. Il aura fallu une série satirique sur les super-héros financée par l’entreprise la plus coercitive de l’un des hommes les plus riches au monde pour que les gens découvrent les Contras et l’opération paperclip. Et vous vous demandez comment on arrive à vous couillonnez avec l’avortement ? bon courage ! Pendant que j’y suis je vous conseille de lire (ou au moins de voir les conférences) Johann Chapoutot, peut-etre que ça va vous spoiler les prochaines saisons de The Boys. Oui je peux être aussi cynique que la série, facile de jouer les ptis cons. A bientôt.

Copenhagen Cowboy

Alors que le cinéma devait mourir de sa belle mort le mois dernier (en tout cas j’aurais trouvé ça très bien très juste très beau) avec la double sortie complémentaire Avatar et Poet, le truc continue. Et donc on est toujours là. Comme dirait Freeze Corleone : « ils ont pas arrêté d’en faire quand ils ont fait ta porsche negro ». Moins fort que JLG, c’est le retour de NWR, et c’est toujours mieux que celui de BHL. On aimerait aussi celui de WKW, et moins de HSS car j’ai pas rattrapé ceux de l’année dernière. Bref. Copenhagen Cowboy sur Netflix. Oui c’est chiant que Winding Refn ne soit pas encore retourné au grand écran, oui c’est chiant de voir ça sur son ordi, oui c’est chiant c’est encore une série. Maintenant qu’on a dit tout ça, on peut dire des trucs plus sérieux.

L’année dernière je développais l’incroyable et populaire (comme la Chine) théorie du cinéma désertique/amniotique (Jean Epstein m’est apparu en reve pour me dire « pas mal ce truc mais maintenant arrête » avant de disparaitre dans un bruit de vague numérique par Weta) en parallèle de plusieurs autres conneries, dont celle du cinéma luciférien. Et c’est de ça dont il s’agit. NWR depuis plus d’une décennie s’est chargé de continuer une sorte de courant souterrain de l’histoire du cinéma qu’il rendait explicite (ce n’est pas le seul). Je parle de ce geste qu’ont opéré les cinéastes des années 60-70, surtout des années 70s, de se dire que le cinéma expérimental et ésotérique mais également le cinéma d’exploitation (que l’on appelle « de genre » puisque c’est ce qu’on fait, on exploite les codes de genres bref) pouvait fusionner pour toucher ce qu’il y aurait de plus singulier au coeur du cinéma en tant qu’art, et « libérer les esprits » (ou au moins transgresser les normes. Les subvertir !). Les gens comme Cronenberg, Jodorowsky, John Waters, Argento, Akio Jissoji, Obayashi, De Palma etc etc… Contrairement à ce que l’on croit, beaucoup de cinéastes actuels se revendiquent de ces gens, très peu s’inscrivent réellement dans leur trace. Et ceux qui tentent de le faire à un niveau « mainstream » sont moqués Aronofsky, Gaspar Noé, NWR, Bonello (vous inquiétez pas, ça durera pas, la génération d’après est deja en train de les réhabiliter ou a toujours souscrit à leur cinéma et c’est tant mieux parce que bon si c’est pour seulement défendre des pleutres qui peuvent etre très bien comme Mouret ou Civeyrac on s’en sort plus) ou sont poussés dans les marges pour des raisons économiques Lucile Hadzillalovic, Marina de Van, Shinya Tsukamoto, Cattet & Forzani, Panos Cosmatos… Bien sur tout ces gens font, pour le dire de manière grossière, la synthèse entre Maya Deren et Mario Bava ou entre Kenneth Anger et Bergman. Ou on peut dire simplement que ce sont les héritiers de Murnau, Dreyer, Epstein, Germaine Dulac et Bunuel. C’est ça le cinéma luciférien selon la théorie éclatée que je viens de décrire. D’ailleurs je pense que ce doit venir de Amos Vogel ou de Kenneth Anger comme idée, mais comme je m’en souviens plus exactement disons que c’est un truc qui me précède, je ne fais que laisser le spectre me posséder. le spectre qui hante l’Europe !

Bref. Coppenhagen Cowboy réussit de manière assez géniale à incarner tout ça. Et NWR fait probablement l’une de ses plus grandes oeuvres. Je pourrais résumer et dire que c’est une sorte de Only God Forgives vs The Neon Demon, mais c’est beaucoup plus complexe. Il va pousser l’abstraction jusqu’au niveau de ses pairs, on est propulsé dans un monde de matière et de symboles, bien sur ce monde serait celui, exclusif, du cinéma. Le personnage de Miu par exemple n’est pas un personnage, c’est avant tout un corps. Les enjeux de la série se redessine à chaque divagation de ce corps, que ce soit dans l’espace (ce qui correspond pas aux différents lieux mais également à l’espace réel du plan) et dans le temps (car Miu a des pouvoirs qui lui donnent des visions, ces dernières souligne l’abstraction de l’idée meme de temps puisqu’on voit le futur au présent, avant de le revoir comme présent au présent…). Ces logiques à l’œuvre font bien sur écho à notre expérience cognitive, en gros on est à la fois dans une forme du réel, et dans son interprétation constante, donc pas dans un cerveau mais dans un esprit. NWR a deja fait ça dans Only God Forgives ou il dérobe petit à petit la réalité thaïlandaise par des jeux de montage pour nous plonger dans la folie tragique que subit le personnage de Ryan Gosling. On est pas vraiment dans la tete de quelqu’un, on est éventuellement dans les esprits de tout le monde qui seraient incarner à l’écran par la matière du cinéma, la lumière. Tout le reste, la forme que prendre cette lumière, la densité, les contrastes sont de l’ordre du rêve ou de l’hallucination. Comme Fellini disait, enfin je crois, je sais plus, pour justifier le fait qu’il quittait l’esthétique néo-réaliste, c’est que la réalité ce n’est pas que l’expérience de la matière, c’est aussi à égalité, celle de l’esprit. C’est dans ça que nous plonge NWR. Et c’est pour ça qu’il tente de créer un état de transe pour le spectateur. C’est aussi ce que cherchait Kenneth Anger ou meme plus récemment Patrick Bokanowski. Car la matière du cinéma, c’est autant celle qui permet de faire apparaitre l’image que celle qui permet de la recevoir, donc le corps du spectateur. L’œuvre est avant tout physiologique, du moins elle fait tout pour nous toucher à ce niveau. Que ce soit la musique de Cliff Martinez qui nous plonge dans un état halluciné pour des micro-mouvements à l’écran (je pense à la scène du bébé dans l’épisode 03) ou les compositions de NWR qui font que nos yeux sont toujours happés par le vertige de la profondeur de champs ou par l’étrange harmonie qui remplit le cadre (ce moment dans l’épisode 02 dans les backstage de la maison close ou le plan est tellement « grand » qu’on peut voir un mec assis en haut à droite de l’écran, alors que le coeur de la scène, les jeunes prostitués qui se font agresser sont tout en bas à gauche). Meme dans les espaces clos, il y a toujours un semblant d’infini. Comme ce truc de cadrer les portes en longue focale et de bouger juste un petit peu pour que la forme de la porte par le jeu de la parallaxe révèle une autre porte derrière donnant l’impression qu’on ne sait jamais combien de pièces il y a entre le mur au fond et la pièce ou l’on se situe. C’est l’héritage du cinéma dit expérimental que justement de traiter de toutes ces questions esthétiques d’un point de vue matériel avant tout, comment créer des sensations avec les moyens du cinéma avant une quelconque narration. Car comme dit Mamoru Oshii dans The Red Spetacles « avant on pouvait faire des films qui parfois racontaient des histoires, maintenant on raconte juste des histoires sous la forme de films ». Le cinéma peut beaucoup plus, et c’est ça que cherche Refn.

Mais il y a aussi l’exploitation, le genre. En réalité, NWR pousse la logique abstraite deja présente dans les codes du cinéma de genre à l’extreme. Et surtout joue sur la polysémie et les échos des genre entre eux, après tout, l’esprit est infinie mais notre expérience du réel à travers les genres est limitée et interchangeables. Dans le cinéma de NWR il ne reste donc plus que des figures, des incarnations voire des avatars. Il y a par exemple un corps qui sera un dragon, c’est celui du mafieux chinois pour qui Miu sera donc une sorte de chevalier qui mettra fin à sa terreur en l’affrontant dans sa tanière. Ou un autre qui sera une reine stérile, pour qui Miu sera une sorcière. Ou littéralement le Mal(e), l’hubris, pour qui Miu sera la Némésis incarnant le féminin divin. NWR n’a aucune limite dans ses voyages symboliques. Et pour rajouter de la matière, il va habiller ses figures des codes esthético-narratifs du films de gangster, du film de tueurs en série, du road trip etc…Il assume la polysémie au coeur de l’interstice qui lie l’esprit au réel. La chose que l’on appelle un arbre l’était avant d’etre un arbre et est également autre chose que le mot arbre. Bref, c’est à ce niveau de considération que l’on est. Et pour ceux qui douteraient de la précision ou de la rigueur de NWR. Je conseillerais de revoir Only God Forgives. L’oeuvre passe son temps à mettre en scène une tragédie classique dans la tradition occidentale la plus banale et explicite, un homme de valeur dans un système économico-social tue une jeune femme, sa mère (la bosse du système qui est le trafic de drogue aka la Reine) demande à son frère, l’héritier illégitime du royaume/empire de le venger, face à l’hubris de cette famille, la Némésis vient les frapper par la vengeance divine propre au tragique en tuant la mère, le fils devenu un monstre se laisse punir à l’aune du désastre pour ne plus avoir à subir la culpabilité qui le hante sous la forme de visions prémonitoire depuis le début. Le truc c’est qu’il a superposé à ça un film de mafieux en Thailande. Il embrasse totalement les espaces thailandais et donc la culture que contient ses espaces, le karaoké, les bars à hotesse, le club de box thai, le marché nocturne, la street food etc…Les deux choses sont inextricables car en réalité, c’est cette famille maudite qui ramène sa propre narration en Thailande, qui petit à petit se fait corrompre de l’intérieur par des gens qui rejouent leur névrose millénaire dans les rues de Bangkok. Sans meme qu’on réalise, le film dénonce aussi précisément la gentrification et l’impérialisme soft que subit la Thailandais depuis deux décennies. Et dans l’image ça s’exprime dans un seul plan, un moment dans un bar d’hôtesse vers la fin du film, quand le policier-dieu tue l’un des dealeurs, on aperçoit au détour d’un plan qui semble banal une peinture d’une statue gréco-romaine. Le spectre est là.

Copenhagen Cowboy est un geste similaire. Mais beaucoup plus dense que celui de Only God Forgives. Car NWR retente l’expérience de The Neon Demon. Ce cinéma polysémique et halluciné, peut sembler parfois bien mécanique. Il est évident qu’il y a un mouvement qui se répète souvent, c’est la caméra qui tourne à 360 degres faisant un panoramique souvent plusieurs fois. Il est bien sur dans la continuité de cette volonté de vouloir faire éprouver physiquement l’oeuvre. Mais il contient aussi la symbolique du cercle, qui est l’esprit, et qui souvent s’arrete devant le corps qui controle le mouvement de la séquence. Ou le suit. Autant que c’est la traduction la plus explicite de l’idée de fatalité. Mais la récurrence de cette forme autant que d’autres rends clair que NWR, tente de faire de sa série une cérémonie. On répète les meme gestes, jusqu’à atteindre à un état de transe. On suit des symboles, des incarnations, des divinités. On se perd dans la constance hypnotisante d’un mouvement perpétuel, répétitif, pour atteindre la transe. On assiste à des miracles, on est frappé de visions. Bref, c’est un rite, c’est une cérémonie. Ce n’est pas un hasard, NWR dédiait Only God Forgives à Jodorowsky qui pensait que le cinéma doit etre une cérémonie de libération ou de révolution. Il est évident qu’il y a une réflexion sur le genre à travers les genres, d’ailleurs ce n’est pas nouveau chez NWR, c’est surtout qu’il réunit ses visions masculines (Only God Forgives) et ses visions féminines (The Neon Demon) dans une sorte de somme alchimique des deux. Au-delà des dialogues sur le pénis qui sont surtout des trucs rigolos, la virilité a toujours été au centre du cinéma de NWR. Mais pas en tant que « phénomène sociale », mais en tant que force, que métaphysique. Bien sur, la féminité par contraste, également. Et la série met en scène le choc des deux par variations, miroirs, ricochets, selon les corps, les relations, les jeux de pouvoirs. Les deux derniers épisodes sont assez fous et vertigineux en ce sens. On suit la cérémonie jusqu’à la possession. Jusqu’à invoquer cette chose qui remettrait tout en cause. On pourrait alors se demander mais pourquoi Copenhagen Cowboy ? je crois que pour NWR et meme pour Lars Von Trier. Leur idée du cinéma est indissociable de l’existence de pays qu’on appelle les USA. Ce pays qui pour les deux n’existent que comme un ensemble mythologique et symbolique, en gros comme une image, comme un monde imaginaire. C’est ce traitement qu’accorde à NWR à son propre pays le Danemark. C’est le cinéma qu aurait crée les USA et pas l’inverse, NWR va donc récréer le cinéma et le Danemark. Il n’est donc pas étonnant de voir qu’il filme Copenhague comme une suite d’ilots, de zones intermédiaires, et de repaires comme existe les USA des Western. Comme existe les USA au cinéma. Il épouse par une sorte de visions cyberpunk avec la présence de Kojima dans une scène presque hommage à Johnny Mnemonic ! (en tout cas je veux y croire) Finalement, les USA hanterait le cinéma donc d’en faire ce serait d’investir cet espace vierge comme l’Ouest. Les USA serait une sorte de couche ineffaçable sur laquelle NWR (re)construirait des images du Danemark. Bien sur il y a la géographie, bien sur il y a les communautés. Mais il y a aussi comme dans Only God Forgives ce truc plus intéressant, qui se cache dans l’image en se mettant parfaitement sous nos yeux. Les spectres des USA c’est bien sur le massacre originel des amérindiens. Chez les amérindiens d’Amérique du Nord, l’aigle à souvent cette place d’animal sacré qui serait le lien entre le monde visible et le monde des esprits. Avant de tuer un homme pour sauver un enfant, Miu se rend chez lui. Dans la pièce il y a une image de ciel avec un aigle devant laquelle elle vient se placer avant d’exécuter l’homme à l’aube. Bref, nous ne faisons que suivre le spectre, et peut-etre qu’au bout de la cérémonie, il s’incarnera en nous, du moins nous aurons ses habilités. Pour nous frayer un chemin entre le visible et l’invisible. C’est là le pouvoir du cinéma luciférien, de révèler la lumière dans le cœur des hommes en les plongeant dans les ténèbres les plus profondes. C’est aussi ce que fait Copenhagen Cowboy.

Sinon si vous voulez une preuve de la mort cérébral du cinéma aux USA. La roundtable des réalisateurs du Hollywood Reporter est sortie hier, je vous conseille juste d’aller voir les noms. Comme on disait quand j’étais plus jeune « tristes tropiques… » !

ANNO – HIGUCHI / KOIKE / ANNO – HIGUCHI

La suite des pérégrinations de Anno et Higuchi dans leur relecture de la pop culture nippone est, encore une fois, passionante. Shin Ultraman est une oeuvre en deux parties. Dans la première partie il faut se débarrasser des illusions et faire le tri dans les images. Lors de la deuxième attaque au début, l’une des protagonistes dit qu’elle déteste aller dans la foret car il y a des insectes. Quelques minutes plus tard, une mouche se pose sur son écran. C’est un insecte…un bug. La vie surgit pour faire bugger l’analyste qui ne voit le réel qu’à travers un écran. Exactement comme Ultraman. Anno et Higuchi utilisent la musique originale, multiplient les sources et les régimes d’images, on est pris dans une logique de flux ou justement on ne peut plus faire la différence entre l’originale et la copie. Entre le réel et l’illusion/image/simulacre. Des gens dans la rue dans la panique disent explicitement les allégories propres aux Kaiju Eiga et au Toku Satsu (« les monstres sont des métaphores pour les tremblements de terre », « les Kaiju représentent les excès de l’humanité en énergie et la pollution… »). Anno et Higuchi dépeignent un monde tellement rationnel qu’il se noie dans sa propre confusion des sens et des sensations. Les compositions de Higuchi pendant les dialogues continuent l’esthétique de Hideaki Anno depuis Evangelion. Esthétique qu’il a hérité des cinéastes des années 60 comme Akio Jissoji ou Yoshihige Yoshida voire Masahiro Shinoda. Surtout le dispositif qui consiste à bloquer une partie de l’image et à isoler les corps selon l’évolution des dialogues (on change de valeurs de plans à chaque phrase) pour nous faire ressentir leur état face aux informations qu’ils reçoivent en temps réel, tout comme le spectateur. Et pour nous rappeler que nous n’avons jamais accès à une vision globale des situations, à l’entièreté des informations ou des points de vues donc à l’ensemble de l’image. Pourtant les personnages y arrivent en suivant les traces qui mènent à l’original, ils sont attentifs à la réalité. Ce qui cristallise par le fait que l’une des héroïnes, retrouve Ultraman en suivant des traces lumineuses. Alors que l’ennemi tente de les contrôler puis des les faire crouler sous les ordres qui sont des sons venus de nulle part et les images fausses (surtout d’internet). Ce n’est pas une charge contre les média ou les réseaux, mais contre l’anarchie des images qui mettent l’ensemble des informations au même plan. Dans un monde ou nous n’avons accès qu’à une partie de l’image/réalité, il est facile de se perdre si l’on ne sait plus ou regarder ni croire que ce que l’on voit ou on entend est réel. Il y a d’ailleurs un jeu sur le fait que l’ouïe et la vision, les deux matières du cinéma, sont trompeuses. D’ailleurs il se bat deux fois contre son double, un double identique (simulacre) et un double négatif (lui meme en « mauvais »). Ultraman pour revenir dans le climax de la première partie utilise son odorat (qui en plus est lié à son humanité car il révèle, l’amour, du moins le désir sous-jacent de Asami).

Car la deuxième partie se révèle être dans le même mouvement que le dernier film Evangelion. Une fois Ultraman revenue à lui même, une fois l’image « originelle » retrouvée, il doit affronter le poids de sa condition d’homme, sa mortalité. Le personnage de Kaminaga/Ultraman entreprend une sorte de monologue devant le cadavre de l’homme dont il a pris l’enveloppe charnelle dans la forêt avec tout se que ça comporte de symbolique. Il n’y a plus les musiques de Ultraman original dans cette seconde partie (il n’y a meme plus réellement de musique d’ailleurs). Kaminaga doit affronter son humanité, comme une sorte d’échec (car justement dans la logique de Shin Godzilla, Anno place l’humanité face à ses responsabilités écologiques donc face au destin de la planète qui est toujours le véritable combat…) , il doit accepter d’incarner Ultraman et non plus seulement en être l’image, il doit accepter de mourir. Comme il doit accepter de vivre, donc de prendre la responsabilité d’être un humain sur terre. Mais comme à la fin du dernier Evangelion, le dernier plan du film révèle que ce n’est pas Ultraman qui est revenu à lui. Ce n’est pas Kaminaga (qui signifie dieu éternel) qui est réellement Ultraman, l’héritier de la tache de guider et protéger la planète par son humanité (d’ailleurs Leo remarquait pendant qu’on regardait le film que Anno et Higuchi citent plusieurs fois les Superman de Snyder, il ne faut pas oublier que Eiji Tsuburaya était un catholique, mais là ou ils différent c’est justement dans le fait que Ultraman n’est pas vraiment un personnage, c’est un désir, une capacité, un pouvoir). C’est désormais celui que Anno a transmis au spectateur dans le dernier plan.

Mais l’œuvre opère également à un autre niveau car le fourmillement psychédélique de Anno et Higuchi qui replace l’œuvre dans la pop culture des années 60, donc comme une œuvre émancipatrice et psyché, n’est pas un geste exclusif aux deux créateurs. Ni novateur dans l’appropriation du personnage de Ultraman. Koike Keiichi, le mangaka des drogues et du psychédélisme avaient déjà fait cette opération dans le tome 3 de Ultra Heaven. Comme pour Otomo (dont il était le voisin et l’ami au début des années 80 et qui lui a appris une partie de son esthétique), Koike met en scène la puissance émancipatrice qui peut autant détruire que construire, de l’enfance. Et dans l’acmé du Tome 3 de Ultra Heaven le héros qui est envoyé dans les tréfonds de son esprit (autant par les drogues que par des machines) constate que son salut, la seule chose qui empeche son esprit de se briser, se joue dans la réminiscence d’une image d’enfance qui n’est autre que Ultraman. Le souvenir de lui enfant qui regardait Ultraman. Ces deux désirs sont les deux faces d’une même pièce, la volonté d’exister, de vivre en ses termes. Qui se traduit par une lignée politique et esthétique révolutionnaire que les deux mangaka ont toujours assumé. Otomo utilisait les pouvoirs psychiques des personnages de Akira pour ça, Koiike les drogues (et bien sûr les deux sont dans des univers cyberpunk ou les sociétés sont réduites à des megacorporations militaire/sectaire sur le point de s’effondrer sur elle-même). Bien sûr que ce désir d’exister, désinhibé, par le retour en enfance est pour eux le cœur de la révolte car il ne repose que sur une chose, l’imagination. C’est ce qui est restreint en grandissant. Et c’est la où Anno perpétue le geste, rebelle, de faire vivre une figure de sa propre enfance pour réactiver l’humanité perdue, pour lui proposer un imaginaire libéré des carcans des conventions du cinéma ou des règles. Dont lui et Higuchi prennent plaisir à détruire (avec ses champs/contre-champs illusoires ou en réalité la coupure nous ramene au plan d’origine ou avec les changements de régimes d’images, les plans subjectifs incongrues comme celui de la télécommande ou du paquet de chips). Mais aussi les formes qui sont liés à cette enfance, d’ou le second climax psychédélique et introspectif. Ils ne font qu’appliquer la doctrine d’une autre de leur influence Mamoru Oshii qui dans ses films live au début des années 90 dissertaient sur le fait que la vraie puissance figurative du cinéma se trouvait dans les techniques de l’animation, qu’on les applique au « cinéma d’animation » ou au « cinéma live ». L’important est de s’affranchir des conventions industrielles aussi bien hollywoodiennes (les USA sont constamment critiqués comme dans Shin Godzilla), que des limites du réel car l’image est de lumière qui jaillit de la matière. Il est donc question de « libérer les esprits ». Mais cela doit se faire par la connaissance, et un retour à la source de ses connaissances ( « on dirait la belle au bois dormant qui dormirait comme le géant de Gulliver » dit l’un des scientifiques en regardant Asami géante endormie dans la rue, avant que l’un des protagonistes qui est joué par Monsieur Drive My Car dise « ces références sont trop vieilles »). C’est même ce savoir qui permet l’existence du film, qui passe son temps à juxtaposer des calculs et des images de synthèse rendant littéral le fait que les effets spéciaux, donc le cinéma, est le produit d’une symbiose entre science et art. Entre abstraction/esprit, matière et lumière. C’est meme rendre un bel hommage à Eiji Tsuburaya dont l’oeuvre est lié autant à la grande histoire du cinéma et de ses techniques, qu’à l’Histoire du XXème au Japon. Un homme qui a autant participé à la propagande de l’Empire nippon durant la 2GM qu’à la création de mythes « émancipateurs », comme Godzilla ou Ultraman. Il est bien au croisement de tous les espoirs et les craintes du pouvoir du cinéma. C’est ce pouvoir que Anno et Higuchi tentent d’activer pour nous partager leur amour de la création, des femmes, des formes, du cinéma, de l’humanité, de la vie, bref…De Ultraman. Qui porte en lui la quete de l’humanité à ne pouvoir compter que sur elle-même pour se détruire, mais surtout pour se sauver. Ce n’est donc pas un hasard si dans le bureau de l’équipe que l’on suit durant Shin Ultraman trône un vaisseau de L’USS Entreprise de Star Trek.

« Espace frontière de l’infini vers laquelle voyage notre vaisseau spatiale Enterprise. Sa mission : explorer de nouveaux mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d’autres civilisations et au mépris du danger, avancer vers l’inconnu. »

CAMERON / OSHII / CAMERON

Illusion de la nature et réalités de la culture

Je lis ici et là que soi-disant « ça ne raconte rien ». C’est vrai déjà parce que Cameron est plus intéressé par montrer. Et ce qu’il montre ce n’est pas une initiation comme dans le premier, ou un demi-homme devenait un être entier autant en tant qu’individu que comme membre d’une troupe à travers l’amour. Mais comment existe, et se transmet, une culture. Et c’est la que je comprends que beaucoup de mes amis occidentaux urbano-urbain décrochent, c’est que bien sûr que ça vous passe par dessus la tête. Vous n’avez pas vraiment de culture. Vous avez peut être de la science, des connaissances, un savoir. Mais vous vivez dans une individualité telle que vous avez l’impression que vos petites lubies sont l’alpha et l’oméga de vos existences voire pire du vivant. Et l’environnement urbain tel qu’il existe aujourd’hui ne fait rien pour arranger ça, au contraire. Heureusement que vous avez toujours les quatre saisons. Et les quelques événements christiano-capitaliste qui rythment vos années. Pour vous rappeler qu’il existe des choses qui vous dépasse et qui agissent sur vous que vous le vouliez ou non. C’est ça le but d’une culture, mais vous ne l’acceptez pas vous la subissez. Il est donc bien normal que vous passiez à côté du cœur de Way of Water. Vous n’êtes que des individus. Bien sur il y a eu des mécanismes qui ont mené à ça, l’école, la standardisation capitaliste qui s’est substitué aux cultures régionales dans certains endroits, la mort des grands idéaux (notamment du communisme dans les années 80 pour les classes populaires), l’omniprésence de l’empire marchand US. Bref, vous savez tout ça, pourtant vous ne faites pas le constat de votre atomisation extreme, de votre déconnexion totale avec le vivant et ces cycles. Pour d’autres ce n’est pas le cas, pas encore, justement le dernier truc qu’il nous reste dans la sauvagerie qu’est la vie en Amérique, c’est la culture, c’est le fait de nous unir autour d’évènements symboliques ou du rappel des forces du vivant, c’est d’ailleurs pour ça que vous fantasmez tant la reconfiguration presque mythologique du territoire US. D’ailleurs le continent américain a presque rejoué l’histoire culturelle du reste du monde en miniature, en condensé, en plus intense et donc en beaucoup plus explicite pour tout le monde ces 500 derniers années. C’est aussi l’expérience consciente du métissage, du mélange des cultures, et des syncrétismes. Ou c’est aussi pour ça que certains adorent le Japon, la Corée ou La Chine je crois (ils sont urbains comme nous mais ils ont en plus « des traditions », une culture qu’ils transmettent. Tout ne s’est pas dilué dans les simulacres du capital, pas encore. C’est donc compréhensible que certains occidentaux choisissent de s’y consacrer voire de s’y adapter, c’est même louable. On aime tous Lafcadio Hearn lol et surtout peu importe les cultures qu’il choisit, chacun aimerait y avoir une place comme Hearn) . Mais pour nous en Guyane, pour prendre ce que je connais, mon cas. Plus spécifiquement, que ce soit le Carnaval (car oui on a toujours le vrai carnaval, celui où les valeurs sont inversées, les mœurs sont débridées, les masques révèlent les vrais visages chaque samedi soir pendant 2 ou 3 mois dans les dancing, et on brûle l’incarnation même du carnaval, Vaval, à la fin des mois de Carnaval dans un grand feu sur la plus grande place de Cayenne, les parades hebdomadaires dans les rues où on ne serait distinguer si dans la foule se cache peut-être des revenants, des esprits ou des ex…), les chansons et les danses traditionnelles (aussi bien le kaséko que les chanté nowel), la présence de cultures amazoniennes beaucoup plus anciennes (les différents groupes amérindiens sur le territoire qui malheureusement se font absorber malgré eux petit à petit par les mirages capitalistes) ou les syncrétisme récents (les bushinengué /les neg marrons), la nourriture saisonnière et les repas-événements comme le bouillon d’awara dont la préparation est presque une cérémonie en soi (car elle nécessite plusieurs heures) , et même les « histoires »( les contes ou les mythes) sur la mer, la jungle ou les fleuves qui agissent comme des pre-connaissances . Par exemple quand j’étais petit les vieux disaient qu’il ne fallait pas aller à la plage et se baigner durant les mois de Mars-Avril, à cause des sirènes. Les gens de la génération de mes parents disaient qu’il ne fallait pas car « la mer n’est pas bonne ». Bref en deux générations on était passé des sirènes à une sorte d’injonction mystique presque animiste. Le pire c’est qu’il y avait toujours des gens qui disparaissent en mer à cette période, des jeunes ou même des gens plus expérimentés, parfois on ne retrouvaient même pas leur cadavre. Puis quand j’étais au lycée j’ai appris que c’était juste les courants venant de l’hémisphère nord qui descendaient à ce moment et que donc ils étaient extrêmement forts à cette période. On pouvait donc être poussé vers le large en quelques minutes et que de se dépenser à utiliser son énergie pour nager à contre-courant ne faisait que vous condamner à mort par épuisement puis noyade. C’est ça des sirènes chez moi.

Dans un niveau moindre, les légendes urbaines fonctionnaient pareil (d’où mon intérêt pour les fantômes et d’autres trucs). Quand j’étais en 6eme un ami m’a montré sur son portable une photo de gens qui dansaient dans l’un des deux gros dancing du Carnaval. Sauf que lorsque qu’on regardait bien la photo, on pouvait distinguer au milieu un être sans visage, avec un chapeau et des yeux brillants. Comme une sorte de fantôme ou de démon. Bien sûr que c’était juste les balbutiements des creepy pasta et des montages photoshop de merde à notre petite échelle guyanaise. Mais l’ambiance du Carnaval est tellement palpable dans l’air que pendant 2 ou 3 mois, le garçon de 10 ou 11 ans que j’étais avait été choqué à la vue de cet être au milieu d’une foule masquée. Autre chose une culture ça permet de faire union, de faire bloc. C’est justement parce qu’elle a disparu dans les grands centre urbain mais pas que, que la situation politique en France s’est dégradée ou du moins elle s’est dilué dans des signifiants vides. Impossible pour les ouvriers ou les autres de s’unir à l’échelle nationale quand ils ne partagent rien, du moins quand on ne leur laisse le choix que de se replier sur le plus petit dénominateur commun (l’identité nationale, truc abstrait, donc vide que l’on peut remplir avec n’importe quoi surtout quand on détient une chaîne de flux d’informations continue, je dis ça comme ça) . Le poids de la culture est aussi un point politique. Et je dirais même que contrairement à la métropole, en Guyane, on a réussi à bloquer le département deux ou trois fois en une décennie (on parle d’un territoire aussi grand que le Portugal lol et avec la plus grande commune de France qui fait 2 fois la taille du Qatar…) . Notamment en bloquant les ronds points en 2009, ce qui précède de 10 ans les gilets jaunes, mouvement qui n’était pas aussi organisé que « les originaux » Guyanais ou Guadeloupéens une décennie plus tôt. Ce n’est pas non plus quelque chose de magique, tout le monde ne souscrit pas à cette « culture » ou même à tous les éléments que je viens de décrire. Moi même j’évite les dimanche de Carnaval car c’est pas mon truc par exemple. Néanmoins je ne peux nier que l’atmosphère général qui en ressort marque la saison et me fait réaliser que je fais partie de tout ça, que je le veuille ou non. Que j’existe dans un présent et un avenir commun aux gens qui renouvellent ce « rite » chaque année. Cette culture ne garantit pas non plus une sorte de bienveillance immanente, elle permet de fluidifier le lien social, la solidarité, mais n’est pas un impératif morale qui dirait aux individus ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire ce n’est pas une religion. Et puis même les fusées en Guyane, doivent attendre un temps clément, un ciel clair, pour décoller. Même les fusées ne peuvent nier qu’elles sont aussi dépendantes de forces qui dépassent de loin le summum de l’intelligence humaine qu’elles incarnent. Mais comme vous je comprends cette volonté d’individu ultime, de l’homme-univers, j’ai aussi hérité des imaginaires occidentaux modernes dont c’est l’une des grandes fantaisies (c’est ça la beauté du métissage, on a plusieurs cultures qui se superposent ou fusionnent). Et Cameron aussi puisque c’est surtout de lui dont il est question. C’est pour ça qu’il se tue à faire ce geste paradoxal, qui ne peut être l’œuvre que d’un occidental, de recréer une culture par les moyens du cinéma. Et surtout par les techniques qui offriraient aux spectateurs un double du monde, Pandora (avec tout ce que ça porte de symbolique) . La ou Weerasethakul ou d’autres iraient chercher les endroits réels, puiseraient dans les tréfonds des cultures thaïlandaises (rare pays qui n’a jamais été colonisé par les occidentaux) ou locales, Cameron qui épouse le paradoxe à l’origine même de la modernité occidental, devient démiurge d’un monde faux qui voudrait sauver la beauté du réel, la conserver, l’émuler, la dévoiler.

D’où l’intuition de cinéma amniotique, car il veut revivre, l’enfance de l’art, l’enfance du monde. Et pour ça qu’il doit abolir les filtres qui lient les individus comme dans le liquide amniotique, il ne reste qu’un ensemble de pures sensations qui se substituent au langage. Par exemple la fratrie des Sully communiquent mieux non-verbalement que par les dialogues. Les rapports entre les personnages sont tous définis par le toucher ou la vue (souvent les « dialogues » sont en réalité des plans de visages sans paroles qui se répondent les un aux autres, c’est beaucoup plus flagrant que dans le premier à cause de la fluidité que permet la mise en scène d’une fratrie. Mais surtout en contraste avec les humains qui parlent beaucoup, péniblement et ne se comprennent pas ou très peu, du moins ne sont pas ensemble, et nous sommes en train de faire ça si vous lisez ce truc) . La parole souligne l’existence même d’un échec de communication. Souvent quand on parle dans The Way of Water, c’est pour exprimer la souffrance ou justement parce que c’est la dernière étape avant la violence. Les regards de Neytiri/Sully vers Kiri jusqu’à ce qu’elle craque/parle. Les navi ont déjà dit adieu au langage. C’est aussi ce qui est beau dans la transmission, c’est aussi qu’elle est de cette ordre. « you have to put all your weight » dit Jake Sully à ses enfants pour qu’ils s’adaptent au peuple de la mer. Encore une fois il ne fait que souligner que tout cela se joue à un niveau physique, dans leur rapport au monde, dans l’action, dans les sensations. Et pas dans les mots. Ils doivent éprouver la culture par la matière de leur propre corps sinon ce n’est qu’une idée, un symbole vide. Mais dans le même temps se joue les désirs et les émotions inhérentes à la vie, la frustration, l’amour, la solitude, l’émerveillement… Que chacun des enfants Sully va vivre à sa manière, à son échelle. Car encore une fois, la culture doit lier le plus petit élément du vivant à son existence dans l’immensité du cosmos. On vit une sorte d’explosion des sensations qui va bien au-delà du parcours initiatique du père dans le premier. C’est une sorte de métaphysique de la famille qui était l’apanage de cinéastes comme Malick, Reygadas ou Kawase (d’autres cinéaste amniotiques). C’est d’ailleurs pour ça que le film ressemble au premier. Mais comme dans Matrix Resu en relation au premier Matrix, ce n’est pas un miroir, c’est un kaléidoscope. Car c’est ainsi que s’exprime la transmission filiale, les enfants vivent la même chose que leur parents en fragmenté, nuancé, varié et multiple. D’où par exemple l’explosion des couleurs, et que la technique futuriste permet de fixer en image. On retrouve comme eux nos sensations des premières fois. Ce sentiment que quelque chose a glissé d’une œuvre à l’autre mais c’est déployé dans le second comme une éclosion. Chaque fragments de Sully, Neytiri et même de Weaver (d’ailleurs le personnage de Kiri est l’une des grande idée de la carrière de Cameron) se déploient dans une myriade d’expérience singulière. D’images, de sons, inédits pour les enfants qui les découvrent et pour nous spectateur que Cameron a permis de d’en retrouver le regard, les sensations. C’est magnifique, et alors que j’en ai pas, j’ai l’impression que c’est justement ça d’avoir des enfants lol. Cameron a pris pratiquement une décennie pour attendre des innovations technologiques qui servent non pas à faire des grosses explosions ou des gros combats géants. Mais qui tentent de rendre de la manière la plus juste et belle possible l’émerveillement d’un petit être bleu qui découvre des poissons et des vagues, pour la première fois. Et qui nous les fait également découvrir découvrir, pour la première fois de cette manière. Ce que Linklater a aussi fait cette année en tentant de rendre compte du caractère onirique et nostalgique de ses souvenirs d’enfance par la rotoscopie. Ou que PTA a fait en fantasmant des chroniques amoureuses de sa période d’enfance. James Gray également cette fois en tentant d’exprimer la justesse de la violence bien réelle de sa jeunesse, non sans mélancolie ou sans beauté. Ou probablement ce que Spielberg va faire. Car si Hollywood était l’étendard du cinéma occidental, il est clair que depuis une décennie, il est dans une impasse (à l’instar de la société et donc de la culture dissolue dont il ne fait que refléter les angoisses) . Il faudrait peut être pour ça, retourner à nos yeux d’enfants pour laver notre regards des larmes et des joies des premiers émois, pour tout réinventer. Ou du moins tenter de le faire.

Le point otaku.

Concernant l’une des idées de génie. Cameron rends hommage à l’un de ses cinéastes préférés et de mes cinéastes préférés , Mamoru Oshii. L’évolution du personnage de Kiri au loin, peut faire penser que c’est une sorte de Princesse Mononoke ou de Chiiro. Mais si on considère, le caractère méta de l’incarnation. Sigourney Weaver incarne un double jeune d’elle-même. C’est surtout l’évolution de Motoko Kusanagi dans les deux films de Oshii. Et c’est peut-être l’un des points qui peut faire « controverse » car si Oshii va au bout d’une logique animiste, que donc il n’y aurait aucune différence entre les 0 et les 1, le « musubi », l’énergie etc…tout cela serait simplement de l’information. Cameron lui est plus ambiguë, car dans la logique occidentale ça voudrait dire qu’il faudrait « abandonner » l’humanité pour se dépasser. Chez Oshii l’humanité n’est qu’une des modalités d’existence de l’information. Bref pour faire plus clair ou moins clair, la différence entre Avatar 1 et 2, c’est la différence entre le Ghost in the shell de Oshii et le Ghost in the shell de Sanders. Dans celui de Oshii/dans Avatar 2 c’est une question ontologique (qu’est-ce que c’est que d’être ? Qu’est-ce que je suis ? ) dans le Sanders/Avatar 1 c’est une question d’identité (qui je suis ?). Cameron affronte la question par différents angles mais surtout par celui de la culture qui te dit « peu importe ce que tu es, l’important c’est que ce que tu fais ». Mais c’est retors car il y a quand même le plan de Quaritch qui détruit son propre crâne d’humain. Et que le seul moyen pour lui d’être un vrai père, c’est de retrouver son humanité comme avatar. Etre ou ne pas etre. Cameron est en eaux troubles sur cette question, ce qui est passionnant. Mais pour continuer sur la culture, car c’est ce qu’est la Way of Water. Le premier film est sur la naissance d’un individu, le deuxième film sur la naissance d’une culture. Kiri aussi singulière soit-elle peut aussi trouver sa place. C’est une mystique, une chamane, une druide, une sorcière bref, tous les rôles sociaux qui sont attribués aux individus qui ont un lien particulier avec le reste du vivant en dehors de leur propre groupe. Il est donc logique que cette vision se traduise par Cameron en faisant référence au cinéma de Oshii ou de Miyazaki qui comme je l’ai dit plus tôt en tant que diffuseur de l’imaginaire et la culture nippone, ont permis à une partie des occidentaux de retrouver ce lien. L’herbe qui respire pendant son sommeil, les plantes qui communiquent avec elle, et même ce qui est beaucoup plus « malickien », la présence de cet élément indicible qu’ici on appelle la grâce. Mais que Makoto Shinkai dans Your Name, nommait selon la tradition japonaise le « musubi » dans une scène de trip/onirique que n’aurait pas renié Cameron. C’est également le cas pour le deuxième fils Sully. Qui ressemble au personnage de Nausicaa ou à Princesse Mononoke mais pour cette voir répondre à l’image du guerrier ou du leader. Comme le montre Way of Water, une culture te permet de t’accomplir selon ses idées ou ses mythes, mais elle n’enlève pas la confusion, la frustration ou les autres sentiments propres aux individus qui ont le choix de participer ou pas à cette dernière selon leur termes. Car justement le vivant est aussi imprévisible, comme les émotions humaines qui en font partie (« à l’intérieur de nous et autour de ,ous »). Et c’est sur cette équation à plusieurs inconnues que repose le parcours des enfants, la culture donne la forme mais les variables et donc les résultats sont infinies. Tout comme le potentiel du cinéma virtuel dans lequel Cameron s’est lancé à corps perdu qui répond dans sa logique algorithmique et mathématique aux même vertiges que la vie des enfants qu’il met en scène. Ainsi l’émotion lorsque le fils Sully rentre en communion avec son ami tulkun est autant un événement symbolique de la culture qu’il a appris et accepte enfin à sa manière, qu’une extase esthétique de cette même logique qu’applique Cameron dans la création de cette image faite autant de chair que de 0 et de 1. Tout comme Mamoru Oshii qui pense que le cinéma ne peut atteindre sa pleine puissance qu’en s’affranchissant des contraintes du réel, Cameron va créer une matière nouvelle qui serait la singularité du cinéma. Que le mouvement, la lumière et les sons soient littéralement des événements qui lient une psyché à une autre en abolissant les obstacles d’une matière rigide pour embrasser totalement un devenir fluide. C’est ça qu’exprime le personnage de Kiri. Personnage qui existe dans l’œuvre de Oshii sous plusieurs incarnations, plusieurs avatar. Et dont la plus troublante est dans Garm Wars (ou le cinéaste nippon tentait de donner vie à un univers qui ne pouvait être supporter par les technologies où son maigre budget de l’époque, en résulte une esquisse bancale, que bien sûr, j’adore quand même) ou une unité d’élite qui représente symboliquement une alliance presque sortie d’un roman de heroic fantasy, part à la quête d’une jeune fille. Cette quête les emmènera dans les tréfonds d’une planète futuriste, où finalement ils découvriront que la jeune fille n’était qu’une incarnation de la planète elle-même et les condamnera à une mort certaine dans la folie de leur propre hubris. Si Cameron n’est pas encore la, il est sur la même voie. Mais Kiri est plus que ça. Elle donne une seconde vie à Sigourney Weaver à travers EYWA, mais qui dans le réel lui donne une seconde incarnation dans la machine qu’est le cinéma. Sa voix est littéralement le ghost, l’âme, dans la coquille numérique de Kiri. Le personnage ne fait qu’exprimer le vertige et la beauté de sa propre existence. Et pour nous, c’est simplement d’assister à la vie de cet être hybride, qui a transcendé son être. C’est ce que nous proposait d’entrapercevoir Oshii dans la séquence de transfiguration de Makoto Kusanagi à la fin de Ghost in the shell. Comme chez Oshii (et finalement comme dans beaucoup de récits mythologiques venus d’Asie), la femme est l’avenir de l’Homme.

I’ll be back

L’autre remarque qui ressort ici et la. C’est que on nous montrerait la même chose que dans le premier Avatar concernant les militaires et les humains. Je dois donc porter à votre attention ceci. Dans les aventures de Sherlock Holmes sous la plume de son créateur Conan Doyle, qui se déroule au 19eme siècle, le Docteur Watson revient de la guerre en Afghanistan. Dans les aventures de Sherlock Holmes sous la caméra et la plume de Gatiss et Moffat, qui se déroule au 21eme siècle, le Docteur Watson revient aussi de la guerre en Afghanistan. Ça c’est pour une fiction. En 1990, Bush sénior après le faux témoignage d’une jeune femme et d’autres créations propagandistes (affaire des couveuses du Koweït), déclare la guerre à l’Irak. Cette coalition consiste à réunir plus d’une vingtaine d’état contre un seul, l’Irak. C’est la première guerre du golf. La réalité derrière cette guerre « morale », est en réalité le pétrole. En 2003, Bush Junior après la création factice et propagandiste des « armes de destruction massive », déclare la guerre à l’Irak. C’est la seconde guerre du golf. Il réunit une coalition d’une dizaine de pays contre un, l’Irak. La réalité derrière cette guerre morale est le pétrole.

Dans T2, au début des années 90, James Cameron avec l’aide des geeks de ILM créent l’un des antoganistes les plus fascinant de l’histoire du cinéma. À la fois cyborg, et Mabuse, le T-1000 incarne une peur profonde par son caractère polymorphe. Mais le coup de génie, c’est d’en avoir fait un policier. Pour les mouvements d’émancipations ou de révolutions qui vont à l’encontre de l’ordre du monde US, qu’ils soient à l’intérieur des USA ou à l’autre bout de la planète, le T-1000 est l’incarnation de cette peur politique. Car quand on s’expose publiquement à remettre en cause l’empire, tout le monde devient potentiellement le T-1000. Tout le monde devient l’incarnation de l’ordre fascisant et mortifère. Après tout Fred Hampton a été tué à cause de quelqu’un qu’il considérait être de son côté, l’ennemi est polymorphe. Il n’est pas partout, mais il peut prendre toutes les formes. Le cinéma de Cameron quand il fait de la SF ne fonctionne pas par anticipation, il n’aborde jamais réellement le futur (c’est d’ailleurs pour ça que les suites des Terminator sont aussi débiles). Il fonctionne par parabole. Et même plus, par double parabolique (et d’ailleurs étrangement le cinéaste est lié à des « seconds volets » de saga) . Comme je l’ai dit plus haut, Pandora n’est qu’un double de la terre. Il est donc cohérent qu’elle soit le théâtre d’événements qui y font écho.

Le capitalisme sauvage, l’ordre militaire, les crises, les guerres. Et que ses événements se jouent à la même cadence que sur terre. Le choix de Cameron de faire de la famille de Sully et Neytiri, une famille de réfugiés est extrêmement pertinent dans cette optique. Aussi bien dans les échos aux réels que dans son ancrage dans la SF actuelle. Car pour ceux qui n’ont pas suivi ou pas pu suivre. La SF japonaise des 20 dernières années, à travers l’animation et le manga, et par le genre du cyberpunk parfois a mis en son centre la question des réfugiés. Que ce soit dans Eden de Hiroki Endo, dans Planètes de Makoto Yukimura ou dans Seraphim : 266,613,336 Wings de Mamoru Oshii et Satoshi Kon, dans les œuvres de Project Itoh, dans l’odyssée de kino de Keiichi Sigsawa et bien sûr dans Fullmetal Alchemist de Hiromu Arakawa. Cette vision se traduit dans Way of Water par le contraste entre les différents groupes, le peuple de la forêt métisse que sont Sully et sa famille, le peuple de la mer, les humains et les autres espèces vivantes comme les tulkun. Alors que les Sully s’adaptent, les humains asservissent. Plus que dans le premier, l’humanité est montrée comme une machine qui malgré elle ne pourrait que se nourrir de la destruction. Cette machine dont tous les rouages ne sont pas forcément en accords porte différents noms, colonialisme parfois, capitalisme souvent , impérialisme toujours. Elle est polymorphe. Cette femme militaire qui se tient sur Pandora qu’à l’aide d’un exo-squelette alors que Quaritch, aussi grand qu’elle, épouse son devenir navi. Ex-navy, nouveau n’avi. Pire que dans le premier, les corps des humains sont plus que jamais dépendants des petites machines qui font tourner la grande. Durant les scènes de batailles, Cameron ne filme jamais le point de vue des humains/soldats comme celui des navi, il filme surtout en de face (donc contre eux) ou du point vue des machines qu’ils utilisent (souvent un plan « sans regard » du cockpit). Et ils éprouvent leur existence de la sorte, des armes vivantes, « i’m the one with the harpon ». Depuis leur base ou leur salle de contrôle, les humains peinent à communiquer sans rapport de domination ou de subordination (exprimé par le fait que les avatars des anciens marines sont filmés en contre-plongée quand ils discutent avec leur collègue toujours humain). Mais surtout dans la continuité du geste du premier, ils ne perçoivent le réel qu’à travers des images, des hologrammes et des écrans multiples qui viennent même se superposer aux fenêtres. Ils ne voient plus le monde qu’à travers des donnés, coincés dans un aveuglement (qui cache aussi une servitude) volontaire. Comme dans Titanic, la machine des hommes qui pensaient dominer le vivant, se fait stopper par un caillou. Un gros caillou dans l’eau pour DiCaprio et Winslet. Un petit caillou, plus pernicieux ici, Quaritch. Celui qui fait dérailler l’engrenage quand il se révèle finalement humain dans la machine à l’aide son avatar. D’ailleurs ce n’est plus vraiment lui, c’est son double parabolique. Même hyperbolique. « is this hyperreal ? ». Cameron a annoncé que Quaritch serait l’antagoniste de toute la saga, tel un personnage mythologique. Les deux œuvres ne se rejouent donc pas, les humains sont les seuls coincés dans une boucle de leur propre création ici. Le spectateur qui n’est pas attentif également, renvoyé à son illusion de « rationalité ». Le vivant lui, avance au rythme des cycles et des saisons, dans sa fluidité et son expansion presque onirique, il n’a ni début ni fin, il est infini. Comme le regard perdu du rêveur dans le monde où les songes sont réalités.

La voix de l’eau

Ce second volet commence avec le chant de Neytiri et se conclut presque avec son chant. Il commence également avec la voix off de Jake Sully et se termine également de la même manière. Ils encadrent le déroulement des événements. Et la voix de Jake Sully structure l’œuvre, comme un parent le ferait pour son enfant, ou comme le récit des souvenir d’un père, d’un homme, qui doit se rappeler ce qu’il est. Car c’est un « fuyard » par la raison, là ou Neytiri est une résistante par les sens (et pourtant c’est elle la voix de la raison…). C’est aussi une sorte de Bildungsroman que met en scène Cameron. Et les parents doivent bien donner un cadre à leur enfants pour qu’ils puissent grandir. C’est aussi l’une des questions fondamentales du cinéma, celle du cadre. Qu’est-ce que l’on montre ? Mais c’est aussi la question de « qui regarde ? ». Ce que permet le cadre désormais de Cameron, c’est d’avoir accès à l’ensemble des regards lorsqu’il y a justement reconnaissance de regard. Comme dans le moment où on découvre le point de vue du tulkun après qu’il ait reconnu le jeune fils Sully. Mais la où Cameron est beaucoup plus intéressant c’est dans sa manière de filmer les humains. Ils ne sont jamais au même niveau. La caméra est toujours au-dessus ou en-dessous ou en retrait. Ils ne peuvent pas communiquer, ils ne peuvent pas vraiment se voir. D’ailleurs souvent ils ne se regardent pas quand ils se parlent. C’est pour ça que la relation entre Spider et Quaritch est touchante. Ce sont les seuls qui se voient du côté humain (et pourtant se projettent comme des navi). Cameron insiste souvent à nous montrer que Spider regarde son père. Et on y lit autant de la complicité que de la déception, de l’amour que du dégoût. Quaritch refait en quelques plan le cheminement du Terminator dans les deux films. Il passe de machine à homme puis père. Il passe de la domination à la collaboration. Jusqu’à ce plan magnifique où Spider porte son corps en marchant dans l’eau telle une sorte d’image mythologique. Ce n’est pas seulement que Quaritch est devenu un père, c’est que Spider accepte d’être son fils. Et il y a tout un tas de choses comme ça que l’on aperçoit parfois brièvement. Des plantes, des poissons, et des trucs. C’est plus que plaisant, c’est très beau. On est dans le cadre, dans ce fourmillement des vies et des désirs (que la technologie permet de mettre en scène en emplissant les images de mouvements et d’êtres, paradoxalement, numériques ou cyborgs). Mais Cameron lui même rend hommage à ses pairs, dans ses choix de montage sec qui rappelle le Hollywood classique. Dans ses choix d’éclairage ou de couleurs durant certaines scènes de dialogues. Bien sûr il avait déjà rendu le plus bel hommage possible avec Titanic. Mais il veut justement inscrire son film dans le flot, dans une tradition, qui construit le futur sur un apprentissage passé, une culture. Encore une fois il s’agit de s’appuyer sur les épaules de géants pour mieux voir l’horizon, et prendre ainsi la direction la plus juste. J’aime tout ça beaucoup plus que de raisons car ça me rappelle ma propre enfance, des images que l’œuvre a sorti des abysses de ma mémoire. Autant finir comme j’ai commencé ! Quand j’étais petit (entre 5 et 10 ans disons), j’ai connu une initiation similaire. Et beaucoup de mes amis qui ont grandi en Guyane aussi. Nos parents nous font visiter le territoire, on va voir les ruines des différents bagnes (celui pour les français et le bagnes des anamites, pour les prisonniers qui venaient de l’Indochine), les traces de l’esclavage. On visite des villages amérindiens quand on s’enfonce sur l’un des fleuves, où des villages bushiningue pour les plus aventureux (ce sont les descendants des esclaves qui ont fui ou se sont libérés et qui ont créé leur propre culture en mélangeant les traditions africaines et les traditions des amérindiens…). On va voir les tortues luth pondre leur œufs ou on va justement les voir éclore en essayant de garder les chiens à distance pendant que les bébés tortues tentent de rejoindre la mer. On va dans les communes plus isolés dans le territoire, au milieu de la jungle. On dort dans des carbets. On nous apprend ce qu’est telle où telle plante. Ce qu’on peut préparer avec ce fruit. L’histoire d’un type d’arbre. Où les légendes qui concernent cet animal qu’on vient d’apercevoir. On nous apprend les contes et les personnages historiques qui ont donné leur nom à tel ou tel maison ou mieux. Puis en devenant adolescent, on refait la même chose, mais avec ses amis. Et en devenant adulte, on le refait avec ses parents, probablement lol. En tout cas the way of water m’a plongé dans tous ces souvenirs et ces sensations, que j’avais honteusement oublié. Ou dont je ne voulais pas me rappeler, ce qui est pire (car tout n’est pas super dans la vie) . Juste quand on traîne sur ces bonnes vieilles plages. Je dis ça, car le plateau des Guyane fait partie des premières terres emmergés au monde. Quand on marche sur les gros cailloux ici ou là, on marche peut-être sur les plus vieux cailloux de la planète. Je sais ça, car c’est mon père qui me l’a appris.

L’ampleur et l’ambition de la saga des son deuxième volet m’a fait penser à une autre saga. Il était une fois en Chine de Tsui Hark. Et surtout à cette phrase dont je ne me souviens plus très bien qui introduit le premier film (je crois) . Le personnage de Wong Fei-hung (Jet Li) ou un autre au début du film qui dit :

« Là-bas nous sommes traités comme des animaux. Ici, nous marchons sur de l’or »

Je vous laisse donc avec cette phrase mal retranscrite, et avec toute la polysémie que les langues chinoises peuvent exprimer à l’aune de tels propos. Car je n’en ai pas parlé explicitement. Mais toute cette beauté, ce retour à une naïveté, à la communion. Ce n’est pas juste pour faire de la mièvrerie ou des petits fantasmes. Cameron est conscient de l’époque. Et il nous rappelle ce pourquoi il fallait lutter, il faut lutter et il faudra lutter. Un geste prosaïque dans nos quotidiens, mais radical pour un certain cinéma qu’il tente de sauver, presque seul.

On me dit dans l’oreillette de dire à tout le monde de voir Poet de Omirbayev également. L’autre grande œuvre de cette fin d’année.

PARK CHAN-WOOK/EPSTEIN/MORIN

Je crois qu’il y a une sorte de malentendu autour de Decision to Leave qui serait pourtant accepté comme l’une des bases, l’un des axiomes de l’oeuvre. Je crois que Decision to Leave n’est pas un mélodrame, ou que du moins les enjeux de l’oeuvre ne sont pas dans ceux du melo. C’est une fausse piste que Park Chan-Wook balance au début pour mettre le spectateur à la même place que l’inspecteur. Ca devient meme assez évident dans la seconde partie, que le coeur de l’oeuvre se joue à un autre niveau, beaucoup plus intéréssant, beaucoup plus vertigineux et qui m’a plus touché, que ce que je lis dans les critiques qui parlent de l’oeuvre comme d’un melo.

L’une des clés du truc, c’est deja de comprendre le cinéma de Park Chan-Wook dans son fondement, c’est un cinéaste qui ne croit pas au réel, son cinéma n’a de cesse de jouer et de rejouer le fait que selon lui, il n’y aura aucune base matériel objective à la réalité. En gros, il ne peut pas vraiment faire de melo car justement il n’y aura pas d’éléments tragiques qui pourraient entraver ou incarner une fatalité que subirait les protagonistes qu’il met en scène puisque le réel n’existe pas chez lui, du moins rien n’existe en dehors de ce que peut la conscience. Comme chez Hitchcock, De Palma ou Argento, chez PCW tout est subjectif donc tout n’est que signes, symboles, motifs. C’est un cinéma du « je », de l’esprit, du lyrisme mais aussi de l’obsession, de la folie, de la névrose et du rêve. Dans Decision to Leave, c’est évident par le fait que l’inspecteur est caractérisé par deux choses, il met des gouttes et il est insomniaque. Maintenant que j’ai établi le geste au coeur du cinéma de PCW, il est évident que ces deux attributs ne peuvent que modifier la perception de la réalité du personnage, donc pour nous les images. Tout le film va alors se déployer en fonction de ces deux choses, d’abord les images, les raccords, les sutures, les compositions vont prendre toutes les propriétés de l’eau à cause des gouttes, donc la transparence (qui se traduit par la vision de choses matériellement invisible comme le point de vue de l’écran de téléphone ou une vision en rayon X), l’état aqueux liquide (qui justifie le montage numérique, les transitions avec des effets spéciaux, la sensation que malgré les changements spatiaux et temporels nous ne ressentons pas de césure entre deux plans/images), et puis la malléabilité de l’eau (qui fait l’inspecteur semble parfois avoir accès à tous les points de vue, du moins c’est ce que PCW nous pousse à ressentir dans le flot constant d’informations avec lequel il nous submerge, sons de téléphones, pensés du personnages, différents langages, différents niveaux de relations etc…). Puis il y a l’insomnie, elle semble etre le mouvement qui tient la structure globale de l’oeuvre car justement elle nous empeche de considérer qu’il y a un plan objectif qui serait « la réalité » autour du quel l’inspecteur serait en train de s’éloigner (comme chez Argento ou De Palma), et donc les errances narratives que subit parfois l’inspecteur, les souvenirs qui s’enclenchent à cause de photo, de vidéos ou de messages audio, montrent bien que la logique du film est l’analogie onirique. Mais les répétitions, les jeux sur les doubles, la dualité expriment que nous ne sommes pas dans une flânerie mais dans l’esprit d’un obsédé. Nous sommes plongés dans un reve éveillé, dans un délire. Bien sur, l’eau et les rêves, Poe, Bachelard, Eluard…Vous savez deja.

Mais PCW ne s’arrete pas là, le personnage de Tang Wei cristallise le délire de l’inspecteur car comme chez ses mentors, le fétichisme de son cinéma est au coeur de la tension narrative. Il est obsédé par Tang Wei car elle éveille en lui un désir, ce désir est la seule chose qui peut attester de l’existence d’une expérience matérielle, en gros sa libido à travers le fétichisme sur Tang Wei est la chose qui redonne un sens à son existence. Non pas comme une histoire d’amour mélodramatique, mais comme l’histoire d’un homme qui voudrait s’accrocher à sa sanité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si Tang Wei joue sur le meme régime mystérieux que chez Bi Gan que PCW a probablement vu. Elle joue le meme personnage-fétiche, fantome, souvenir, désir. Et leur relation est aussi marquée par l’eau. Les deux personnages sont aussi marqués par une évolution symbolique des états de l’eau. Durant la première partie, il y a souvent de la pluie, du thé etc…Ils se tournent autour, ils se glissent l’un sur l’autre, bref, cette partie est fluide. il coule l’un dans l’autre (il lui apprends le coréen, elle lui permet de dormir, ils mangent ensemble, il s’aident). Puis lorsque l’inspecteur déménage, Tang Wei disparait, l’inspecteur qui vit avec sa femme est entourée de brume, donc de l’eau à l’état vaporeux. Leur relation n’est plus palpable, ni fluide, c’est un souvenir, et ce n’est plus tangible, c’est de la vapeur, de la brume, du vent. Brume qui symbolise aussi le mystère de cet évanouissement (d’ailleurs la ville est exclusivement qualifié par le fait qu’il y a beaucoup de brumes). Et dans le dernier acte, quand il la croise, c’est dans un marché au poisson, ils sont entourés de surgelés…Avant que l’ultime rencontre se fasse dans la neige à la montagne. L’eau est devenue solide mais froide, distante, impassible. Il peut la toucher comme la neige, enfin ils peuvent s’avouer leur amour mais c’est trop tard. Pourtant ce parcours des états de l’eau (donc des états du reve ou de la psyche), s’il existe symboliquement dans les images de PCW, il n’existe que dans l’esprit du personnage de l’inspecteur. Car après leur rencontre dans la neige, l’inspecteur redescends de la montagne (qui par ailleurs n’existe pas dans cette ville, oui on a cherché lol), il croise sa femme qui le quitte et avant de tenter de la récupérer il s’exclame « pourquoi il n’y a pas de neige ici ? » (ou un truc comme ça).

Car oui Decision to Leave ne se déroule pas à ce niveau non plus, il y a encore quelque chose de beaucoup plus profond à l’oeuvre. Et que l’on ressent si on tente de se mettre dans l’état de confusion de l’inspecteur, et non pas de mener l’enquete sur une histoire d’amour comme PCW qui est le grand « criminel » qui orchestre tout ça voudrait qu’on fasse. le personnage de Tang Wei lui dit qu’elle peut l’aider à dormir en l’hypnotisant. Elle lui dit des choses et lui parle de méduses. Plus tard dans la partie brumeuse, l’inspecteur perd encore une fois le sommeil, et va voir un spécialiste médicale pour l’aider à dormir. Alors que le spécialiste explique son blabla pro, derrière lui il y a un écran, sur cet écran se balade une méduse. PCW est un cinéaste constructiviste, si on veut etre précis sur l’appellation de la porté philosophique de son geste esthétique. Il ne croit qu’à l’extrême subjectivité comme constante de l’expérience humaine. Dans Mademoiselle, on pouvait etre surpris du dernier plan, qui mettait en scène un acte sexuel saphique explicite, mais ce qui intéressait PCW dans cette figuration ce n’est pas le caractère subversif ou l’ironie d’un tel geste (PCW n’est pas un provocateur à la LVT). C’est surtout que ça rendait matérielle, et physique, une chose qu’il nous avait fait ressentir durant toute l’oeuvre, les personnages que jouent Kim Tae-Ri et Kim Min-hee ne sont qu’une seule entité. C’est le meme personnage diffracté par le regard des hommes, des jeux sociaux, de désirs et de classes. Ces deux femmes n’en forment qu’une qui retrouvait enfin sa liberté dans la réappropriation de son corps par un acte libidinale qui va les lier à l’écran. Dans ce meme geste, l’inspecteur de Decision to Leave vit l’expérience opposé, il est petit à petit, de son corps à son esprit, déposséder de lui même. Il sombre dans la folie. C’est cette aliénation que cristallise le personnage de Tang Wei qui ne parle meme pas la meme langue (oui maintenant que je l’ai dit c’est assez explicite surtout pour les spectateurs coréens car les audio en mandarin viennent soudainement parasiter le flot d’informations complexes), et qui est rattaché à un imaginaire de fragments. Elle a des photo chez elle, elle regarde la télé, elle repète ce qu’elle entend à la télé, elle est une image puis elle devient une voix, puis un fantome, puis une voix etc…Elle est liée à toutes les enquetes et les traumatismes de l’inspecteur, bref elle incarne un fantasme. Et comme on le voit depuis le début, la seule chose qui maintenait la routine, l’existence de l’inspecteur, ce sont les ébats sexuels avec sa femme planifiés, calibrés. Bref, Decision to Leave lorsqu’on laisse l’oeuvre nous baigner par sa virtuosité ne montre qu’un homme, qui s’il tombe chez Hitchcock, se noie chez PCW. Comme chez Epstein, il n’y a pas d’amour comme enjeu, il y a surtout des forces qui dépassent les desseins sociaux ou les impératifs de la rationalité, elles sont dans l’océan, la mer et le vent. Elles sont aussi à l’intérieur de nous indissociables comme tous les micro-mouvements qui constituent les vagues, comme les images et les sons du cinéma.

Le vertige de la révélation chez Hitchcock/De Palma laisse place à la noyade dans l’information. Et c’est ça qui est fort, car c’est notre condition de gens connectés, nous sommes constamment soumis à un flux d’informations sur lequel nous n’avons aucun contrôle, si ce n’est celui sur notre libido, du moins sur l’exécution matériel de nos désirs. Si ce dernier semblant de réalité qu’est « l’habitude » disparait, si l’aliénation est tel que tous les évènements deviennent des révélations alors il n’y a plus de vertige, il y a une lente accumulation de choses insurmontables qui provoquent l’effondrement des individus sur eux-mêmes. Si la fluidité est par exemple vu chez les Wachowski comme une esthétique émancipatrice, chez PCW elle sert surtout à exprimer l’aliénation, car sans filtre nous ne sommes plus que des réceptacles d’un flux qui dans la configuration sociale actuelle, joue contre nous. Pour ne pas se noyer, il faut partir, il faut choisir de partir ou comme dit le titre de « choisir de se séparer ». Sinon tout comme l’inspecteur on recherche des fantasmes. Meme dans ce dernier plan magnifique la plage qui est le lieu de liberté et d’émancipation chez la plus part des cinéastes, se retrouve etre le tombeau des chimères. Comme une sorte de cérémonie mortuaire, l’inspecteur se laisse submerger par les eaux qu’il a laissé entrer en lui, il est désormais perdu. C’est aussi ça de retrouver l’éternité.

Bref, d’ou me vient l’intuition pour toutes ces conneries ? C’est en deux temps. Deja j’ai vu le film une première fois à moitié endormie et bizarrement j’avais l’impression de quand meme etre « dans le truc » (oui il faisait trop chaud l’été tout ça, le réchauffement climatique bref). Et après j’ai demandé à un pote chinois de passage à Paris qui ne parlait donc ni français (donc pas les sous-titres aux Halles) ni coréen (donc ni les dialogues du film), d’aller voir le film (donc qui comprenait seulement les parties de Tang Wei). Puis on en a discuté, et on avait la même intuition, surtout il confirmait deux ou trois trucs. Puis il l’a revu et j’ai revu, et tout était clair. Et dans un second temps…JOSEPH LOSEY. Voila. Et également ici on connait la filmo de PCW par cœur. Il y a eu aussi des discussions avec la team EastAsia pour savoir si j’étais pas fou, et puis pour chercher les lieux de tournages (sur google hein), et pour parler de la musique. Mais bon si je dis tout ça, c’est pour soutenir la thèse sous-jacente à mon blabla sur Park Chan-Wook, la thèse qui est la suivante : endormez vous au cinéma. Ou au moins somnolez.
Bien sur ça fonctionne pas avec les trucs de merde, mais j’ai confiance en vous, vous allez voir que des trucs biens. Et c’est la saison de transition entre l’automne et l’hiver ou tout le monde est à demi-réveiller donc vous pouvez tester. Si j’en fais une analyse « phénoménologique », c’est que ça permet d’aborder les oeuvres comme une suite d’évènements qui parfois provoquent une émotion souterraine, disons en dehors de la rationalité d’un visionnage pleinement eveillé (car vos moments d’éveils refont le montage du film qui se superpose au « vrai » montage). Bref, ça c’est pour ma théorie des cinéastes « amniotiques » dont Park Chan Wook fait clairement partie. Le gros blabla sera probablement sur Avatar ou un autre truc, somnolez devant Avatar pour voir.

« Breton admirait que dans le fantastique il n’y eût que le
réel. Renversons la proposition et admirons le fantastique qui
s’irradie du simple reflet des choses réelles. Dialectisons-la
enfin : réel et fantastique, dans la photographie, se renvoient
l’un à l’autre tout en s’identifiant comme en exacte surimpression.
Tout se passe comme si devant l’image photographique, la
vue empirique se doublait d’une vision onirique, analogue
à ce que Rimbaud appelait voyance, non étrangère à ce que
les voyantes appellent voir (peut-être encore à cette plénitude que les « voyeurs » réalisent par le regard) : une seconde vue, ·comme on dit, à la limite révélatrice de beautés ou de secrets ignorés de la première. Et il n’y eut sans doute pas hasard si les techniciens ont éprouvé le besoin d’inventer, là où voir semblait suffire, le verbe « visionner ».
[…]
Effectivement, à la rencontre hallucinatoire de la plus grande subjectivité et de la plus grande objectivité, au lieu géométrique de la plus grande aliénation et du plus grand besoin,
Il y a le double, image-spectre de l’homme. Cette image est
projetée, aliénée, objectivée à un point tel qu’elle se manifeste comme être ou spectre autonome, étranger, doté d’une réalité absolue. Cette réalité absolue est en même temps une super-réalité absolue : le double concentre sur lui, comme s’ils y
étaient réalisés, tous les besoins de l’individu et au premier
lieu son besoin le plus follement subjectif : l’immortalité.
[…]
Cette imagination n’est pas déréglée. La preuve en est qu’elle
se modèle assez exactement sur l’archétype. mythique que le
génie de Villiers de l’Isle Adam avait su rêver à partir des
inventions d’Edison, avant même la naissance du Kinétographe. Dans l’Eve Future, le « sorcier de Menloe Park », crée une copie parfaite – sauf sur le point de la · bêtise, qui est le propre inimitable de l’homme – de la superbe et sotte Alicia Clary. Ce double rayonnant, Hadaly, est de même essence que la Faustine de Bioy Casares. A soixante-dix années de distance, les rêves antérieurs au cinéma et le rêve de la fin cinématographique de l’homme se rejoignent dans le monde des doubles. Ce monde retrouve son charme originaire et même exalte sa qualité magique essentielle : monde de l’immortalité, c’est-à-dire monde des morts. »


– Le cinéma ou l’homme imaginaire, Edgar Morin

Westworld – Saison 4

Concernant la saison 4 de Westworld c’est assez fascinant. Alors que Blade Runner est sortie il y a exactement 40 ans, Lisa Joy et Jonathan Nolan avouent leur impuissance à dépasser les canons du genre cyberpunk. Ils en font le sujet de cette dernière saison. Ce qui est passionnant c’est ce qui se joue en filigrane dans cet aveu à plusieurs niveaux. Westworld, l’original, au cinéma (j’ai jamais lu le bouquin) faisait partie des films de SF conceptuels qui se voulaient etre des métaphores ou des allégories sur les USA ou « le système ». Comme Soleil Vert ou Logan’s Run, la SF des 70 étaient une SF métaphorique, politique, on déroulait un grand concept en accentuant des traits existants dans un microcosme de fiction et on s’attendait à ce que l’intelligence du spectateur trouve en quoi tout ça correspond au macrocosme réel du système, l’anticipation. En meme temps la SF pulp et disons les grandes épopées futuristes étaient toujours d’actualités (Star Wars en tete). Bref, Blade Runner a mis un peu fin à tout ça au cinéma, et en meme temps dans la BD, les enfants de Metal Hurlant arrivaient autant au Japon qu’aux USA. Gibson et d’autres dans la littérature etc etc…Le cyberpunk arrivait dans les années 80 et les œuvres ont depuis toujours devancé les théories philosophiques, sociales ou politiques (enfin surtout celles des années 90-2000), l’une des raisons étant que les gens « sérieux » ont pris un peu de temps pour comprendre ce qui s’est joué avec la démocratisation d’internet. C’est l’un des rares mouvement ou genre artistique, ou les universitaires avouaient leur retard face aux enjeux, à la forme et à la narration des œuvres du genre (il suffit de voir l’évolution des discours sur Matrix Reloaded et Révolutions ou sur l’œuvre de Oshii). Pire, ils étaient obligés d’épouser les codes du genre pour tenter d’avoir un discours pertinent sur le réel qui d’un coup avait « accéléré » sous les doctrines néo-libérales, c’est le cas de Baudrillard.

Si je dis tout ça, c’est parce que la saison 4 de Westworld brasse tout ça. Depuis la fin de la saison 2, la série a refait l’Histoire « mainstream » de la SF en passant de son épopée prométhéenne/frankensteinienne à une œuvre cyberpunk assez radicale. Le problème, c’est que les créateurs, Lisa Joy et Jonathan Nolan sont conscients qu’ils ne sont pas Les Wachowski, Katsuhiro Otomo, Mamoru Oshii, Ridley Scott/Dan O’Bannon ou James Cameron. Ils ne peuvent donc que refaire ce qui a été fait, ils condensent la puissance des oeuvres canoniques dans une seule. C’est ce qu’est Westworld la série. Sauf que le truc, c’est que ça fait aussi partie du cyberpunk de « refaire ». Le genre a toujours explicitement joué avec les formes qu’il investissait, et les auteurs qui l’utilisent, poussent autant la narration que l’esthétique à leur paroxysme ce qui rend toujours les armatures des œuvres visibles. Au cinéma, les oeuvres cyberpunk sont souvent à l’origine de bouleversement techniques et technologiques car les idées nouvelles correspondent à des formes nouvelles, et ces dernières révèlent l’illusion des arts dont elles sont la matière pour toucher « l’esprit ». Car attention spoiler de la vie, les oeuvres cyberpunk se chargent de manière explicite et concentrée à questionner la conscience à travers les arts. Non pas « le phénomène de conscience » ou « notre rapport au monde », mais la veritable question fondamentale de l’existence par la raison (en gros le fantasme occidentale qui a remplacé le vide qu’a laissé l’absence de Dieu dans la modernité, l’univers qui à travers l’homme réfléchirait sur lui meme). C’est pour ça que les oeuvres ont beau etre des agencements de textures, des expérimentations formelles, des réitérations de structures narratives et symboliques éculées, elles parviennent à nous emporter par le fait que leur but est toujours notre capacité à pouvoir questionner ce qui est (et souvent elles sont stimulantes car une oeuvre cyberpunk est une oeuvre qui se commente elle-meme et son art/media) . Mais surtout le genre a également absorbé ce que j’appellerai l’ensemble du « spectre de la rationalité occidentale » (cad l’ensemble des grandes questions philosophiques récurrentes qui vont de Descartes à Baudrillard en passant par Spinoza, Nietzsche, Marx etc…Mais également les oeuvres qui explorent ses questions dans tous les arts) dans ses racines autant que dans ses extrêmes nouveautés. Il y a donc la fin des grands récits et des mythes de Lyotard (Matrix, Ghost in the Shell…), l’hauntologie de Derrida (Blade Runner, Akira…), le Rhizome de Deleuze & Guattari (Cloud Atlas, Sense8, Innocence…) et bien sur le simulacre de Baudrillard qui flotte dans tout ça.

Westworld saison 4 rejoue tout ça, à un niveau moindre car la série cache ses intentions dans ce qu’elle nous montre du réel social. Dans l’histoire du cyberpunk, si dans les années 80-90, les critiques que portaient les oeuvres du genre sur l’avènement du néolibéralisme étaient toutes justes, avant-gardistes et pertinentes. Les années 2000 ont séparé les artistes qui étaient devenus les figures d’un mouvement qui dépassait leur art. Ils ont donc décidé non plus de critiquer le système à travers le cyberpunk, mais d’en donner une échappatoire, une alternative. Encore une fois, le genre qui portait en lui « le spectre de la rationalité occidentale » s’est scindé dans les deux extrêmes du spectre politique occidental. Les artistes ont du « montrer leur couleur » dans les oeuvres car elles étaient justement récupérées de toute part, ainsi il y a désormais les cyberpunk d’extreme gauche Les Wachowski, Otomo, Oshii et ceux d’extreme droite, Dantec ou le philosophe Nick Land (bizarrement ceux de gauche ont surtout invensti le cinéma, alors que ceux de droite ont investi la littérature…). Mais le personnage de Nick Land exprime bien ce qui s’est passé en 20 ans voire en 40 ans, car il est l’un des grands penseurs du cyberpunk. Dans les années 90, il crée un groupe universitaire de recherche au Royaume-Uni, le CCRU (Cybernetic Culture Research Unit), ce groupe a pour objectif d’étudier les effets des oeuvres et mouvements artistiques dans la société. Pour le dire grossièrement, le but était de voir comment l’importance de l’oeuvre de Lovecraft (par exemple), avait changé la société qui avait fait de Lovecraft un monument de sa culture, et que donc les gens pensaient et voyaient le monde comme dans les oeuvres de l’écrivain de Providence désormais. (Alan Moore par son savoir ésotérique et son intuition défend une vision de l’art similaire : https://www.youtube.com/watch?v=k1qACd0wHd0 ) . Et pour étudier ça, il y avait deux grands mouvements comme sujet, le gothique et le cyberpunk. Car c’était les genres qui avaient la possibilité d’absorber les caractéristiques des autres genres, et donc qui sont les plus aptes à former la culture voire la société selon leur vision. Mais ce sont aussi les deux genres qui jouent justement avec la limite du « spectre de la rationalité occidentale ». Car le gothique joue justement sur l’interstice qui existerait entre le « je » (la subjectivité) et le réel (la matière indépendante à l’expérience humaine) dans sa complexité infinie, ce qui laisse la place aux fantomes, aux esprits, aux visions, aux reves, aux voix, aux évènements « fantastiques ». Le Cyberpunk c’est un peu ça, mais auquel on rajouterait les questionnements sociales macroscopiques, les autres, la société, le monde, la communication et tout ça dans une sorte de symbolisme anarchique (comme dans Akira ou le personnage de Kaneda pendant tout le film est caractérisé comme un chevalier ou comme dans Westworld quand le titre d’un épisode de la saison 4 se nomme Zhuangzi). Ce que Nick Land et le CCRU étudiaient, c’était tout ça, comment au final ses abstractions avaient en réalité des formes bien précises, c’est le paradoxe du cyberpunk. D’ailleurs Matrix doit beaucoup à tout ça, car les objets d’études du CCRU étaient autant la littérature et le cinéma, que la musique, et la culture des rave. Si bien sur on peut constater que le cyberpunk sert de nouvelles mythologies cosmogoniques pour expliquer l’ère du capitalisme (du moins en Occident), Nick Land était surtout un philosophe accélérationiste, et c’est l’un des trucs qui a poussé à la clarification politique des artistes dans les années 2000. Bref, je vais pas expliquer ce qu’est l’accélerationisme car j’ai deja trop écrit, mais c’est le fait politique qui est sous-jacent au cyberpunk, s’il était d’abord une idée de gauche pour provoquer la chute du capitalisme. C’est entré dans l’imaginaire de droite pour justifier le survivalisme et le retour d’une pensée voire d’une société tribale (qui suivrait la chute), c’est pour ça que dans les années 2000 des gens comme Nick Land ou bien Genesis P-orridge ont dérivé, car le tribalisme identitaire qui pouvait sembler anarchiste et de gauche dans les années 80 a dérivé à l’extreme droite aujourd’hui. C’est dans cette logique que Westworld s’inscrit. C’est cette pensée qui travaille la série, c’est pour ça qu’elle tourne en rond, et que Joy-Nolan sont contents que ça recommence à chaque fois. Car à chaque fois ils peuvent rejouer la chute, le moment ou tout redevient tribale. Et ils sont parfaitement en accord avec Nick Land, dont l’une des positions était de dire qu’il n’y a pas de différence entre une IA et le capitalisme (position qui est par ailleurs assez pertinente). Que le capitalisme c’est l’intelligence artificielle. C’est le sujet de la saison 3 de Westworld. Je ne pense pas que Joy-Nolan soient des survivalistes ou meme des gros droitards, je pense juste qu’en retournant aux sources du genre, ils rejouent les paradoxes que les artistes avaient deja dépassé. Et réactivent ce fantasme nihiliste de la chute. Par exemple les Wachowski avec Cloud Atlas et Sense8 ont développé une SF de rhizome voire micellaire, ou tout les gens seraient connectés entre eux au-delà de leur propre conscience sans pour autant la perdre. En dehors du mainstream, et des canons occidentaux, d’autres artistes repensent la SF en dépassant les dilemmes illusoires qu’aiment se donner les descendants du « spectre de la rationalité », comme Memoria de Weerasethakul ou le Grand mouvement de Kino Russo. Ces deux exemples seraient d’ailleurs plus « punk » que « cyber ».

Bref, c’est ce qui était passionnant à suivre dans cette dernière saison. En rejouant l’idée que le « Westworld » n’est pas le monde du Western, mais littéralement le Monde de l’Ouest donc l’Occident qui rejouerait la conquête de l’ouest à travers le néo-libéralisme sur l’ensemble de la planète, la série trimballe tout un imaginaire bizarre paradoxal. Elle nous parle d’émancipation mais ne montre que des choses contrôlées et standardisées. Elle utilise tout un symbolisme anarchique, l’autre (The Man in Black) qui est prisonnier de sa condition de destructeur et que sa prison l’oblige à prendre la forme de l’Homme de Vitruve (faisant un pont étrange entre la science, le capitalisme et la destruction du monde sans nuances). Ou bien le robot qui pouvait tout calculer et tout prédire, mais pourtant ne pouvait rien sauver etc… Après j’aime bien qu’il rejoue un moment les années 20 (puisqu’on est en 2022) dans le parc. Et puis y a des trucs pas mal comme lorsque le personnage de Tessa Thompson frappe sur le sol, et que la simulation bug, ce qui nous revele que le coeur de la simulation était en fait sous ses pieds, et qu’en réalité la distance qui séparait les deux lieux n’était pas horizontale mais verticale (et que donc c’était la réalité qui se superposait à la simulation et non pas le contraire, ce qui rejoue Baudrillard/Borges à l’envers), que le « vrai monde » est celui de l’esprit. Du moins celui ou on peut etre libre (oui la série est full constructiviste, c’est d’ailleurs sa perspective explicite). D’ailleurs le personnage de Aaron Paul, Caleb est coincé dans un enfer gnostique, il est réincarné en robot jusqu’à ce qu’il trouve le moyen de se libérer en communiquant sa position pour s’abandonner enfin à sa condition et réaliser qu’il n’existe plus vraiment, du moins il est sous le controle d’un faux dieu (c’est à la fois une idée de la gnose, et une idée bouddhiste…). Mais il faut aussi dire que comme son frère au cinéma, Jonathan Nolan est très fort pour jouer sur le temps et les temporalités. Et donc ils arrivent toujours par des effets de montage très simple a crée ces petits vertiges quand tu réalises que l’on s’est joué de ce que tu pensais etre « l’ordre » et qu’en fait le temps de la série ou du film est beaucoup plus flexible, pour coller à la relativité de nos expériences du temps réel (entre mémoire, souvenir, et présent. Ou entre différentes vitesses, celle des robots, celle des hommes, celle de la simulation etc…).

Et donc comme pour Blade Runner, ou finalement le film noir/polar servait à Deckard de structure pour en réalité enquêter sur son humanité. La série se sert du Western pour nous montrer que cette fois la conquête de la liberté ce joue dans nos esprits. Ce qui me rappelle Ad Astra qui était aussi très pertinent sur l’époque, ou on faisait un film de SF pour nous dire que finalement il fallait renoncer aux reves que nous avait vendu un siècle de film de SF. La c’est une oeuvre cyberpunk ou on nous dit « on ne pourra pas sauver tout le monde, d’ailleurs la majorité des gens vont mourir violemment mais pour ceux qui auront la maigre chance de survivre, il faudrait se libérer dès maintenant pour ne pas refaire…le Westworld ». La série se paye meme l’audace de citer Blade Runner, dans l’un de ses derniers plans sur l’oeil de Evan Rachel Wood, Dolores (oui elle s’appelle littéralement douleur car elle incarne la révolution dans tous les sens du terme au fil des 4 saisons), qui après s’être « souvenu de ses vies antérieures » (oui y a beaucoup de trucs de transfiguration, de métempsycose, métensomatose etc…C’est ce qui arrive quand la matière et les idées sont indissociables) voit la lumière du changement. Mais cette fois ce n’est plus le feu des hommes comme dans Blade Runner. Ce sont les lumière des écrans qui se reflètent dans son oeil. Les lumières des hommes qui ont « dépassé » la matière. Étrange programme.

« Disneyland n’est ni vrai ni faux, c’est une machine de dissuasion mise en scène pour régénérer la fiction du réel. Son imaginaire infantile veut cacher que la véritable infantilité est partout. »

GODARD / MILLER / GODARD

Comme 3000 ans à t’attendre a flop et que donc on sera les seuls à en discuter durant les prochaines années voire décennies. Et que JLG est mort (il semblerait qu’on sera aussi les seuls à en discuter dans quelques années, ce qui est beaucoup plus troublant). Il est donc temps pour moi d’inaugurer le bal des conneries qui vont être dites sur le film de Miller. Mais également de rejoindre la team des exégètes godardiens. Bref. Le livre d’image et 3000 ans sont liés. L’imaginaire de Miller n’a jamais été aussi simpliste que celui d’un Zemeckis ou d’un Spielberg. Meme si comme pour d’autres figures du Nouvel Hollywoodien, les sophismes campbelliens ont nourri son cinéma, il y a toujours eu quelque chose de plus retord dont les autres manquaient un peu, sauf peut-etre Coppola (je vais y revenir). Deja il est australien, et puis surtout il est australien ! Autre chose en passant c’est que l’appropriation qui l’a fait de l’imaginaire « Metal Hurlant » (disons le comme ça pour faire vite), est au meme niveau que l’appropriation du meme imaginaire par Ridley Scott (rapprochement qu’on fait peu pourtant les deux ont le meme sens plastique et ont le meme délire pictural…), c’est à la fois une appropriation esthétique mais aussi une réflexion sur les formes.


Le fait qu’il soit Australien lui permet d’avoir un certain recul sur les cultures dont il a hérité (comme une grande partie des intellectuels/artistes qui viennent de colonies, je mets pas « ex » car ils ont bien prouvé avec l’affaire des sous-marins qu’ils ont juste changé de maitre…), et surtout la culture dont les USA et l’Australie revendiquent l’héritage, la culture européenne. 3000 ans à travers Aletheia (le perso de Tilda Swinton dont le nom signifie vérité en grec, et aussi d’un perso de Eden de Hiroki Endo dont je conseille la lecture…) va justement explorer cette culture. De la meme manière le livre d’image de JLG nous propose le meme trajet mais dans l’autre sens. La ou Miller part du passé pour aller vers le futur, Godard part des images du présent (et donc du futur quand ils les manipulent pour en faire une œuvre) pour retourner aux origines. Peu importe le sens, car la chose que les deux cinéastes explorent réellement c’est la conscience, plus précisément la conscience à travers le langage. La conscience, l’esprit, la psyché appeler ça comme vous voulez, n’a pas de début ni de fin car pas de matérialité, c’est pour ça que souvent le symbole pour la représenter est le cercle. Un symbole est justement la représentation matérielle d’une idée ou d’un sens. Le langage est un code, en ensemble de symboles conventionnelles qui nous servent à communiquer. Les deux cinéastes ont parfaitement compris que l’Occident (et donc son origine européenne) est en crise du langage. Le cinéma n’échappe pas à ce système de représentation, à ces codes, il est donc lui aussi en crise. Et peut-etre meme que c’est la crise des images (et des imaginaires) qui à l’origine de la crise « matérielle » (c’est l’argument sous-jacent de la narration de Miller mais également de Godard depuis 40 ans…). En commençant à des points opposés les deux cinéastes sont condamnés à ce rejoindre.


Ils se rejoignent à la croisée des chemins, dans leur (re)découverte de ce que l’on appelle aujourd’hui « le monde arabe ». J’ai pu lire ici et là que Miller était presque « orientaliste » dans son approche, c’est totalement débile et surtout c’est d’avoir oublié son cours d’histoire de 4eme ou 3eme… 3000 ans ne se déroule pas à Bagdad, à Teheran ou à Rabat…Il se déroule à Istanbul (ou Byzance ou Constantinople…tous ces mots différents pour désigner un même lieu à travers le temps selon les cultures/langues, oui il est question de ça…), qui est la ville qui cristallise le métissage, le syncrétisme au cœur de la culture « européenne ». C’est même souvent au centre du débat quand la Turquie veut intégrer ou se rapprocher de l’UE (ou s’arrête réellement l’Europe ?). C’est littéralement la ville ou se superpose un héritage perse, arabo-musulman, juif, romain, grec et égyptien (au pire si vous voulez pas reprendre vos cours d’histoire de collégiens, jouez à Assassin’s Creed Revelations qui se déroule essentiellement à Constantinople, un jour on discutera de la pertinence de la trilogie sur Ezio lol). D’ailleurs Miller insiste meme dans la temporalité qu’il aborde à travers les contes du Djinn. Le conte le plus ancien est celui sur la Reine de Saba qui symbolise l’origine mythique (et historique par la géographie qu’il évoque) de cette culture mais également l’origine réelle de l’écriture dans cette région qui correspond à la Mésopotamie. Et le dernier conte avec Zéphir (d’ailleurs pour créer une autre dimension dans tout ça, j’ai moi meme grandi dans une cité à Cayenne qui s’appelle Zéphyr, ou mon père a grandi avant moi, et ou mes parents habitent toujours…Comme quoi, les symboles ne sont pas si anodins…Donc à chaque fois je retourne dans ma chambre d’enfant/ado, je retourne à Zephyr…) semble se dérouler au 15eme siècle donc à la veille de la chute de Constantinople, et du partage du savoir « secret », en réalité des connaissances Antiques que détenait la ville, qui sont l’une des causes de la Renaissance. Il se situe donc entre une période mythologique et l’aube de la modernité réelle (que justement il critique autant qu’il célèbre…). Ces deux choix spatio-temporels de Miller ne font que renforcer l’idée qui parcours sa mise en scène, tout se mélange, tout se superpose. Le monde n’est qu’un agrégat de tensions entre les évènements que provoquent les désirs et les corps qui les expriment. Mais surtout de rompre la dualité (très occidentale pour le coup) entre les idées/images/émotions (esprit) et le langage/écriture/parole (matière/corps). 3000 ans multiplie les idées qui justement permettent de lier les espaces réelles et mentaux, les paroles et les images, et à brouiller les limites par le potentiel du cinéma. Aussi bien des origines du cinéma comme la photographie, par exemple, on sait la vérité sur le personnage de Tilda Swinton au détour d’un album photo qui nous indique qu’elle a fait une fausse couche, alors que sa parole nous partage l’idée qu’elle se fait d’elle. Pourtant les deux informations ne sont pas contradictoires car justement l’expérience de la conscience n’est pas unidimensionnel. elle raconte une histoire. Elle se raconte pour attester de son existence en miroir au Djinn qui fait la même chose. Car de « communiquer » est l’une des modalités, si ce n’est le moyen principal de prouver qu’on existe. Mais il faut s’accorder sur les symboles pour se comprendre, pour se connecter. C’est aussi ce que fait JLG quand il superpose des textes à des images, des images sur d’autres, des fragments de son qu’il colle à d’autres. La ou Miller modifie la matière à l’intérieure de l’image pour nous faire ressentir et penser ce nouvel « accord », Godard modifie l’image elle-même comme une matière. Mais Godard quand il se raconte, raconte également le cinéma. Et atteste qu’il existe.


Comme me l’avait fait remarquer Victor, dans le livre d’image, Godard utilise une image de 13 hours de Michael Bay, si après quelques de discussions on était tous d’accord pour dire qu’il ne l’avait probablement pas vu et que c’était probablement un apport des collaborateurs comme Brenez ou d’autres sur une idée que Godard voulait exprimer. Ou probablement sur un mot, celui de « guerre ». Il était très étonnant de remarquer comment même cette image était cohérente dans l’exploration de Godard, des américains en Libye, qui se faisaient « éjecter » du berceau de la « culture » qu’ils ont tant revendiqué sans la comprendre. Car les dispositifs formels de Godard et de Miller se rejoignent pour nous faire comprendre par les moyens du cinéma, que l’antagonisme envers « le monde arabe » est vain, ça revient aux européens et aux occidentaux à se battre contre eux-mêmes. Les deux cultures sont indissociables. Les symboles, les signes, les conventions qu’ils utilisent pour affirmer leur existence ont la même origine. Et que le soi-disant combat qui les oppose ne peut les mener qu’au néant. C’est là que les deux cinéastes proposent pour sortir de l’impasse, cette esthétique syncrétique, métisse, poreuse voire vaporeuse. Et Miller qui n’est pas en reste dans l’ésotérisme, propose meme de voir ça comme de retrouver une sorte d’unicité des individus pour atteindre la raison (l’équilibre). Aletheia doit embrasser le Djinn, doit s’unir littéralement, elle doit retrouver son désir et sa vitalité aussi bien spirituelle que libidinale car les deux sont indissociables (la dernière histoire du Djinn fait ressentir tout ça de manière assez virtuose). le langage que revendique l’Occident est celui de la raison, non pas de l’abstraction raisonnable ou de la pure logique, mais celui de penser en accord avec l’unité du réel (je crois qu’il y a un paragraphe de Stiegler le père sur ça). De quitter les jeux interminables et imposés des métaphores qui se replient sur elle-memes comme lorsque le personnage de Tilda Swinton est prise, écrasée, entre deux écrans géants qui montrent l’ensemble des super-héros Marvel/DC avant de s’évanouir. Les deux œuvres sont des odes aux textures, à l’amour des mélanges, à la création (je peux aussi conseiller la lecture de Promethea de Alan Moore au passage, d’ailleurs il n’existe pas une grande œuvre des 50 dernières années qui n’auraient pas un lien avec une oeuvre de Alan Moore, pensez-y !). Qui poussent l’agencement des matières et idées à des extrêmes qui nous obligent à repenser le cinéma, la conscience, et tout le reste. Bref, il ne s’agit pas simplement de « réenchanter le monde », il s’agit surtout d’exister dedans pour continuer de l’inventer, voire le sauver.

Coppola qui est également un disciple de Godard (il s’agirait de regarder One From The Heart en plus des premiers et des derniers, si vous en doutez, qui en plus est le chainon manquant entre Alphaville, Blade Runner et BR 2049…) avait également tenté la même opération dans L’Homme sans age, mais s’était heurté, je crois aux limites de son propre cinéma, beaucoup trop classique. Ce qui l’avait poussé à tout remettre en cause dans Tetro et dans le magnifique Twixt. Mais c’est justement là ou Miller réussit, c’est qu’il se fiche de faire des « films hollywoodiens », mais il prend très à cœur le fait de faire du cinéma. Et ce que peut faire le cinéma, comme le montre la dernière séquence du film. « on reconnait que c’est un vrai car il y a des traces de sang à l’intérieur ».

Puisque je suis dans la digression, j’envoie une idée à la volée. Souvent de revenir aux origines, pour un certains groupes de cinéastes, c’est de revenir dans le désert. Pour les cinéastes occidentaux « conscients », c’est assez clair, de revenir au début du langage voire de l’humanité, c’est souvent dans le désert. Que ce soit mythologique comme Miller (aussi bien dans 3000 ans que dans ses Mad Max) ou bien en accord avec une certaine histoire comme dans le Western. Il y a souvent le lieu commun que dans les western, le désert est une page blanche (bien blanche !) sur laquelle s’écrit l’histoire blablabla…Mais je crois que tous les déserts du cinéma renvoient symboliquement à une idée du moyen-orient genre Egypte/Ethiopie/Soudan/Irak/Iran/Yemen etc… qui seraient les lieux ou se sont écrits l’histoire de l’humanité des origines mais également l’histoire de l’écriture, donc comme ce que je l’ai dit avant des symboles qui font blablabla Saussure blablabla Baudrillard blablabla culture toussa Wittgenstein blablabla Nietzsche (beh oui c’est seulement un post facebook écrit beaucoup trop tot, c’est pas un vrai texte, eh sayer). Et par exemple, les chiffres que l’on appelle « chiffres arabes » viennent en réalité d’Inde (d’ailleurs le patron de Google est Indien voila comprenez ce qu’il faut comprendre, le monde de l’alphabet et des chiffres pèsent sur nous ! ). Cet imaginaire « désertique » est aussi présent de l’autre coté de l’Orient. Donc que ce soit chez John Ford, chez David Lean, chez Einsenstein, chez King Hu, chez Wong Kar-Wai (d’ailleurs est-ce que c’est pas le meilleur nom que l’on puisse donner à un film qui se déroule dans le désert « les cendres du temps » ? est-ce que c’est pas réellement la description de ce qu’est le désert matériellement autant que « mentalement » ?), chez Zhang Yimou, chez Souleymane Cissé, chez Lisandro Alonso, chez Jodorowsky, chez Teshigahara, Chez Gus Van Sant, chez Bruno Dumont, chez Villeneuve, Chez Pasolini, Chez Antonioni et dernièrement chez Amin Sidi-Boumédiène dans Abou Leila. Le désert n’est pas simplement une page blanche, c’est la chose qui rend la page possible. Mais du coup, tout ça fait que ces cinéastes sont en réalités très proches, ils semblent tous fortement préoccupés par l’opposition entre un monde intérieur et le réel. D’ou le désert, entre le ciel (esprit/futur) et la terre (matière/passé), l’homme.

J’aimerais compléter avec une autre catégorie de cinéastes, plus aqueuse, qui serait le miroir de la première. Que je vais appeler « les cinéastes amniotiques ». Ce sont des cinéastes obsédés par l’eau, les propriétés de l’eau, et surtout qui font un cinéma comme s’ils étaient toujours dans le ventre de leur mère. ils rêvent d’une sorte de fluidité proche du reve et surtout, il n’y a pas de réel dans leur cinéma. Blablabla Bergson blablabla Merleau-Ponty blablabla Derrida blablabla Descartes blablabla Heidegger. Donc pour eux revenir aux origines, c’est revenir à l’eau. En gros, le monde pour eux n’est qu’un tourbillon de sensations, avec plus ou moins de sens. Jean Epstein, Tarkovski, Lynch, Mizoguchi, Weerasethakul, à peu près tous les cinéastes qui font de l’animation sauf René Laloux (c’est purement arbitraire), Fellini, Argento, Les Wachowski, Aronofsky, Sokurov, De Palma, Obayashi, Reygadas, Powell & Pressburger…Et bien sur chez ce bon vieux James Cameron. Bref, je pense que je reviendrai sur cette théorie (assez bancale plus j’y pense mais y a un truc, qui ne doit pas etre ce truc en particulier mais quand meme y a un truc…) à la sortie de Avatar 2, The Way of Water. Le ciel n’est qu’une réflexion de l’océan, l’homme est perdu entre l’eau (sa conscience) et sa réflexion (ses sens/le monde).

Bien sur, JLG est dans les deux groupes. Il est dans tous les trucs qui concernent le cinéma de toute façon qu’on le veuille ou non.